Le salon littéraire de Vaux le Pénil
Ce premier salon littéraire était organisé par l’Association de la Ferme des Jeux, Familles laïques et Ciclop 77, en partenariat avec la Ville. L'affluence pour cette première était très satisfaisante. Les auteurs et éditeurs ont tiré un bilan flash positif. L'un d'entre eux , venu de Nîmes a pris spontanément la parole pour donner son appréciation qui n'a pu que réconforter les organisateurs dans leur envie de remettre le couvert l'an prochain :
« - l'organisation était parfaite
- l'accueil était chaleureux
- Nous avons pu rencontrer de nombreuses personnes. »
Le repas-débat organisé par notre association a réuni 25 personnes (20 étaient inscrites) autour d'Eddy Khaldi, de Guy Georges, de Malika Messad et de Pierre Baracca. Une discussion intéressante a permis de dégager de larges accords sur la nécessité de défendre la laïcité et de refuser tout communautarisme et toute différence des droits.
Aujourd'hui, comme hier les laïques qu'ils soient chrétiens, musulmans, juifs, athées, ou agnostiques défendent les seuls principes qui permettent de vivre ensemble.
Un auteur nous écrit
Un débat sur la laïcité au « 1er Salon littéraire » de Vaux-le-Pénil : le poids de l’Histoire…
À l’occasion du premier « Salon littéraire » organisé par l’Association de la Ferme des Jeux, familles laïques et Ciclop 77 à Vaux-le-Pénil, dans la banlieue de Melun (Seine-et-Marne), dimanche 10 octobre 2010, qui a réuni auteurs et éditeurs, s’est tenu un déjeuner-débat sur la laïcité. Ce principe qui est un des fondements du contrat démocratique français, est aujourd’hui, on le sait, menacé.
La laïcité attaquée par les intégrismes
Des intégrismes déterminés ont apparemment l’intention de le ruiner. Les déclarations du président de la République, pourtant garant constitutionnel de ce principe républicain, ont pu leur faire croire qu’il poursuivait le même objectif. Dans un premier discours à Saint-Jean-de-Latran à Rome, le 20 décembre 2007, il a parlé de « laïcité enfin parvenue à maturité » ou encore de « l’avènement d’une laïcité positive ». On se souvient de sa comparaison dévalorisante pour les laïcs par rapport aux religieux : « Dans la transmission des valeurs et dans l’apprentissage de la différence entre le bien et le mal, s’était-il écrié, l’instituteur ne pourra jamais remplacer le pasteur ou le curé, même s’il est important qu’il s’en approche, parce qu’il lui manquera toujours la radicalité du sacrifice de sa vie et le charisme d’un engagement porté par l’espérance. ». Le 14 janvier 2008, le président de la République revenait sur le sujet à Riyad en Arabie Saoudite en saluant l’Islam.
Le terrible témoignage de Faïza
Le débat à Vaux-le-Pénil était animé par un universitaire de l’IUT de Lille 3, Pierre Baracca, et la directrice de cabinet du maire d’Halluin dans la région lilloise, Malika Messad. Ils viennent de publier en avril 2010 un ouvrage issu de trois mémoires soutenues par des étudiantes en « Animation sociale et socioculturelle », intitulé « Les animateurs face à l’intégrisme religieux et à l’oppression des femmes » (1).
Ils se sont appuyés pour commencer sur le témoignage d’une des étudiantes, Faïza, qui par peur n’a pas voulu signer l’ouvrage de son patronyme. Que disait-elle donc de si compromettant ? Elle racontait tout simplement l’ordinaire de la domination masculine non seulement subie , mais intériorisée et acceptée par les femmes musulmanes. En les écoutant, on revoyait des images de l’émission d’ARTE, récemment diffusée (2), « La cité du mâle ». Cette équation de sons par le jeu de mots entre « mâle » et « mal » valait avec pertinence équation de sens.
Deux points de vue sur la laïcité avec l’Histoire comme ligne de partage des eaux
1- L’échange a toutefois fait apparaître sinon un clivage du moins deux points de vue différents susceptibles d’en créer un si l’on y prend pas garde. Les uns entendaient défendre la laïcité contre ses ennemis sans faire de distinction. Elle inspirait un mode de vie, selon eux, qui écartait toute ingérence d’une croyance religieuse dans l’espace public. Être laïc, soutenaient-ils, signifiait donc qu’aucune discrimination ne devait être opérée entre les religions, quelles qu’elles soient, logées à la même enseigne privée.
2- Sans contester cette démarche, les autres entendaient l’inscrire dans l’Histoire. Car, sous peine de se voiler la face, religion catholique ou protestante et religion islamique n’avaient pas connu la même aventure. Ce n’est qu’après des siècles d’affrontements souvent très violents et sanglants qu’en France, la religion catholique a été contrainte de composer, d’une part, avec sa rivale, la religion protestante, et, d’autre part, avec le pouvoir civil royal ou impérial, avant de devoir se résigner à la séparation de l’Église et de l’État en 1905. Et encore a-t-il fallu une guerre mondiale et la fraternité inattendue des tranchées entre croyants et incroyants pour qu’enfin l’Église catholique en vienne à accepter en 1924 la nouvelle situation.
L’Islam n’a jamais connu pareil affrontement à la laïcité. Là où il s’est développé, il a toujours exercé une domination sans partage. À l’exception de la Turquie, les pays à majorité musulmane ont des régimes autoritaires inspirés par les rites et usages islamiques.
« Le chanoine du Latran chez le pape Benoît XVI : Sako à confesse »
En revanche, au cours des cent ans écoulés, les catholiques ont en majorité apprécié pour finir cette séparation de l’Église et de l’État et en sont même devenus des défenseurs sincères. Ils y ont trouvé, à vrai dire, avantage : on ne peut plus les confondre, comme avant, avec le pouvoir et les familles conservatrices ou réactionnaires, même si nombre d’entre eux votent à droite ou au centre-droit. Par sa récente visite au Vatican, le président de la République a ainsi tenté de rassurer son électorat catholique après des frasques et des mesures législatives qui avaient pu le heurter et le détourner de lui dans la perspective de la prochaine présidentielle : « Le chanoine du Latran chez le pape Benoît XVI : Sarko à confesse », a titré un hebdomadaire en couverture. Saura-t-on deviner lequel ? Non, ce n’est pas Le Canard Enchaîné, mais l’organe d’ un mouvement catholique, Golias.
« Celui qui croyait au ciel et celui qui n’y croyait pas »
Ne pas tenir compte de l’Histoire expose donc à deux erreurs graves. 1- L’une est de minimiser le parcours que l’Islam a à effectuer pour se résigner à vivre dans une société laïque : le témoignage de Faïza permet de prendre la mesure de la « conversion » qui est attendue de lui. 2- L’autre est d’ignorer le parcours déjà effectué par une majorité de catholiques qui parfois se montrent plus exigeants en matière de laïcité que des laïcs eux-mêmes.
Le déjeuner-débat de Vaux-le-Pénil était donc passionnant. Les laïcs doivent ne pas se tromper d’adversaire et savoir reconnaître leurs alliés. En somme, les termes du problème posé par Aragon dans son poème « La Rose et le Réséda » qui évoque la fraternité de la Résistance, sont et seront toujours d’actualité : il importe que « celui qui croit au ciel » et « celui qui n’y croit pas » sachent se respecter et même s’apprécier pour qu’au moins la vie sur terre ne soit pas un enfer. Le président de la République partage-t-il ce point de vue, lui qui, dans son discours de Riyad, a aussi prétendu « respecter ceux qui croient au Ciel autant que ceux qui n’y croient pas » ? On voudrait encore le croire… Paul Villach
(1) Pierre Baracca, Amandine Briffaud, Anne-Gaêlle Cogez, Danielle Demaire, Faïza, Malika Messad, « Les animateurs face à l’intégrisme religieux et à l’oppression des femmes – Témoignages, discussion, enjeux de formation », Éditions L’Harmattan, 2010.
(2) Paul Villach, « « La cité du mâle » : France Culture a tenté de discréditer l’émission d’Arte », AgoraVox, 1er octobre 2010.
LIBRES PROPOS D'UNE ECRIVAINE
ce texte est paru dans le
Cabinet de lecture sur Rue89.
Merci à l'auteure de nous avoir donné l'autorisation
de le mettre sur notre blog
Je vais faire quelque chose de sale, de très sale, quand on écrit : je vais parler d'argent. Faut-il être pauvre pour être un bon écrivain ? On pourrait le croire. Sinon, pourquoi la chaîne du livre n'accorderait-elle en moyenne à l'auteur que 10% de droits ? À moins que pour être un bon écrivain, il ne faille être riche ?
Prenons mon exemple, qui est loin d'être le pire. Premier roman d'une inconnue chez un éditeur en vue : le contrat-type prévoit les fameux 10% et 1 500 euros brut d'à-valoir − deux virements de 690 euros net : un à la signature du contrat, l'autre à la parution.
Dans mon cas, le livre a été apporté par une éditrice extérieure à ma maison d'édition : elle touche donc 2% sur chaque exemplaire. Ce qui, d'après moi, est fort peu pour avoir veillé sur un manuscrit. Il est intéressant de voir où sont piochés ces 2% : sur la part de l'auteur. Mon pourcentage est donc ramené à 8%.
Percevant environ 1,20 par livre, il me faudra vendre 1 250 exemplaires pour rembourser mon à-valoir et recevoir à nouveau quelque argent.
Arrêtons-nous un instant sur cette notion d'à-valoir. Nombre de maisons d'édition n'en versent pas. Ce qui est très compréhensible pour de petites maisons sans moyens. Beaucoup moins pour de grosses structures comme Gallimard, où le prestige d'être publié en collection blanche est censé suffire à l'auteur. Le prestige l'aidera-t-il donc à payer son loyer ?
En outre, plus l'à-valoir versé est important, plus la maison d'édition se démènera pour soutenir le livre et avoir « un retour sur investissement ». Leçons de mathématiques et de psychanalyse du monde moderne : on n'aime que ce que l'on a cher payé.
Il arrivera un temps où les « petits » écrivains se rebelleront contre cet état de fait. Ils ne remettront pas en question la relation particulière à l'éditeur qui est essentielle dans leur processus créatif, mais ils n'accepteront plus d'être les derniers dans la chaîne du livre. Ce temps viendra-t-il avec le numérique ?
Marc-Edouard Nabe qui a derrière lui des lecteurs et quelques journalistes fidèles, a été très loin en auto-publiant son dernier roman. Opération rentable, puisqu'une fois payé les dépenses incompressibles, il perçoit 70% sur chaque exemplaire.
Tout cela pose la question de ce que c'est qu'écrire. Une activité ? Un métier ? Un loisir ? Une passion ? L'intermittence du spectacle a été créée en 1936, étendue à tout le spectacle en 1969. Mais aucun statut n'a jamais été créé pour l'auteur. Sa condition n'a pas changé depuis le XIXe siècle : il est précaire ou rentier.
On me rétorquera qu'écrire ne doit pas être une activité lucrative, que l'art et la littérature doivent échapper au commerce et à l'argent.
Mais aussi « pur » soit-il, l'écrivain doit bien payer un loyer et manger. Il vit dans un monde paradoxal qui trouve normal la propriété privée, mais qui considère comme dégueulasse la rétribution de la création artistique. Et qui, pire encore, spécule sur elle. Puisque, rappelons-le, quand les uns crèvent de faim, les autres font atteindre aux à-valoir des sommets.
On me dira aussi que le seul moyen pour l'artiste d'être libre est d'avoir une activité salariée parallèle. Mais tous ceux qui ont tenté d'écrire un jour le savent : impossible d'avoir une activité salariée à plein-temps et d'écrire.
Écrire se fait déjà contre vous-même : vous vous débattez avec vos propres doutes, vos peines, vos désirs, vos limites, vos incapacités ; c'est en les vainquant que vous arrachez la matière du livre.
Ajoutez-y le salariat, et c'est la bérézina : vous écrivez moins longtemps, moins bien, avec les idées moins claires, la fatigue inhérente au travail venant se mettre entre vous et la feuille.
C'est ainsi que vous vous levez chaque jour à quatre heures du matin pour écrire deux heures avant d'aller travailler à sept, parce que vous savez que le soir, avec la fatigue, vous n'y arriverez pas. Qui peut écrire longtemps dans ces conditions ?
Alors un jour, on quitte l'assurance d'un emploi fixe et on décide qu'on écrira, quel que soit le prix à payer.
L'auteur n'est pas en mesure de grandir ; les conditions matérielles le maintiennent dans un état de dépendance envers tout le monde : son éditeur, la chaîne du livre, son conjoint, sa famille, la société. Son besoin d'indépendance le condamne paradoxalement à la dépendance.
Mais peut-être est-ce voulu ? S'il veut survivre, il est ainsi prié d'écrire des livres qui marcheront et alimenteront l'économie du livre.
Les auteurs implantés dans le milieu de l'édition développent des stratégies de survie. Ils animent des ateliers d'écriture, des débats littéraires, recherchent des bourses d'écriture, des résidences d'écrivain, deviennent journalistes, lecteurs, etc.
Les autres, hors-milieu, sont au RSA, au chômage, se font entretenir, survivent à l'aide de petites activités, d'expédients. Pas grand-chose n'a changé depuis les « Illusions perdues ».
Écrire est donc un choix contre le bon sens. Et si la publication ne permet pas de vivre matériellement, elle permet au moins de justifier la folie de son sacrifice.
Pour ma part, je fais un contre-la-montre constant. Aujourd'hui, j'ai des certitudes financières jusqu'à décembre 2010. Après ? Après, il faudra bien trouver une solution. Il y a ce nouveau roman que j'ai commencé à écrire et cette pièce de théâtre à corriger. Alors oui, il faudra bien trouver le moyen de tenir.
Natacha Boussaa