FAMILLES LAIQUES,
la revue de notre association nationale vient de sortir
Nous vous livrons ici le sommaire
N° 96 · AVRIL, MAI, JUIN 2011
SOMMAIRE
· En France, un paysage dévasté p. 2 à 4
DOSSIER
· L'État-providence avec les loups p. 5
· Le service public est-il une espèce menacée ? p. 6 et 8
· La République ébranlée p. 9
· Quand un retour historique s'impose p. 10 et 11
· La laïcité à bon port à La Seyne-sur-Mer p. 12 et 13
· « Nous sommes autre chose que des chiffres » p. 14 et 15
REBOND
· Laïcité, « j'écris ton nom... » p. 16
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Voici le texte de l'intervention du Maire de la Seyne sur Mer au Congrès National du CNAFAL, en cette année européenne de l'engagement associatif il met avec force les pieds dans le plat et son intervention est intéressante, n'est-ce pas !?
« Nous sommes autre chose que des chiffres »
LE MAIRE DE LA SEYNE-SUR-MER, MARC VUILLEMOT, A EXPRIMÉ SA COLÈRE DURANT LE 22E CONGRÈS DU CNAFAL FACE AU DÉSENGAGEMENT CROISSANT DE L'ÉTAT DANS LA VIE PUBLIQUE.
ÉCLAIRAGE
Marc Vuillemot a été élu en 2008 maire de La Seynesur-Mer sous l'étiquette Parti socialiste. Il a succédé à l'UMP Arthur Paecht dans cette ville ouvrière qui fut longtemps un bastion du PCF (1947 à 1984)
D'abord un grand merci d'avoir choisi La Seyne-sur-Mer pour tenir votre congrès national des associations familiales laïques.
Sachez que, de vos horizons divers, d'où que vous veniez, La Seyne vous accueille d'autant plus volontiers que ce qui vous unit, ce sont deux lois, et non des moindres : celle de 1901 sur la liberté d'association, et celle de 1905, de séparation des Églises et de l'État. Et sachez aussi que ce qui vous unit nous unit. Je me sens totalement des vôtres, et je peux m'exprimer au nom de mon équipe municipale. Je ne serai pas long mais je tenais absolument à passer vous saluer et vous souhaiter personnellement la bienvenue et remercier aussi particulièrement la présidente du conseil départemental des associations familiales laïques, Nathalie Rocailleux, d'avoir défendu la tenue de ce congrès ici même où, si je ne me trompe, elle a vécu, à La Rouve. Merci donc, à toi Nathalie, et à vous tous.
Reparlons un peu de la laïcité, de l'État, des associations...
Je sais que les Familles Laïques font du chemin dans les instances démocratiques représentatives de la famille. Et il y a encore bien du chemin à faire, ce combat est le vôtre, ce combat est le mien, il l'a été dans mon parcours professionnel au sein de l'éducation nationale, dans mon quotidien durant des années au sein du tissu associatif seynois et dans mon activité de maire. Ce combat, porteur de sens, demande une énergie constante. Défendre la laïcité est une nécessité à vocation universelle, préservant les libertés de culte et d'opinion et permettant de vivre ensemble dans un espace public concerté. Mais ce combat ne doit pas dévier de sa trajectoire et rester l'idéal à atteindre : il est fondamental si l'on veut faire une société où vivre ensemble ne se résume pas à la somme de nos égoïsmes. Les associations, elles aussi, sont l'héritage de luttes pour une liberté de construire des projets partagés, d'utilité sociale, générateurs de richesses humaines et financières. Aujourd'hui, et je parle enfin de l'État, ces associations agonisent, vous êtes bien placés, vous toutes et tous, pour le savoir, puisque vous devez le vivre dans vos structures.
Difficultés financières provoquées, contrats précaires donnés comme des miettes aux associations puis supprimés sans autre forme de procès. Ici dans le Var, mais aussi dans la France entière, la rentrée de septembre sera terrible pour la petite enfance et les crèches qui, pour certaines, comptaient sur des permanents en contrats aidés. Le résultat sera terrible pour ceux qui connaissent des difficultés financières, tandis que les autres, plus à l'abri, achèteront leurs prestations plus chères... et feront tant qu'ils le peuvent le dos rond. On ne prête décidément qu'aux riches. Je dois vous dire qu'en tant que maire j'en ai plus qu'assez, à l'heure où je vous parle, de voir mourir des associations mal préparées à évoluer dans ces revirements incessants et brutaux, dans cette politique d'effets d'annonce, de retrait, de coups de pub, de ne même plus pouvoir les aider alors qu'elles fournissent sur mon territoire une action essentielle pour tous les publics, pour les publics souvent délaissés, et souvent dans le prolongement des politiques municipales. Jusqu'à quelles limites l'Etat se désengagera-til ? Des mouvements d'indignation de populations étranglées plantent leur protestation comme autant de tentes sur la voie publique. Le dialogue ne peut-il s'instaurer qu'après une immolation ? Les méthodes sont pour le moins barbares et, lorsque la barbarie est cultivée, nous tous sommes menacés. Et aujourd'hui, nous sommes menacés, en tant que citoyens, en tant que consommateurs, en tant qu'édiles, en tant qu'acteurs de la société civile, dans nos projets bénévoles, au coeur de nos activités professionnelles... Ce sentiment devient une réalité grave.
Je veux retenir, j'y tiens, la leçon que le Conseil national de la Résistance édifia en vrai projet de société dans son programme pour l'après-guerre qui s'intitulait « Les jours heureux ». J'en adopte le titre, l'attitude et la posture, je le fais mien aujourd'hui encore plus qu'hier, je vous engage à le lire et à le faire vôtre, comme, si ce n'est déjà fait, à lire le livre de Stéphane Hessel, Indignez-vous. Je veux en effet croire que nous, nous tous, sommes autre chose que des chiffres, des quotas, des critères, des indices. Je veux croire que la démocratie doit prévaloir à la destinée d'obscures officines de notations internationales, d'agences assermentées instituées à la marge de toutes formes de dialogue civil, avançant tête baissée pour encorner du citoyen, fouler au pied les revendications, les préoccupations et les inquiétudes des gens, des habitants, des usagers, qui voient par pans entiers sombrer des acquis fondamentaux. Le service public tout comme l'action d'utilité publique et sociale ne doivent pas faire partie des premières économies consenties qui auront des répercussions bien plus onéreuses à terme. Il faut veiller, sans cesse, à ce qu'on arrête de nous faire passer l'idée que la casse orchestrée du service public est la conséquence de son inefficacité, que la situation de péril, en la demeure associative, est la faute d'un manque de professionnalisme, que les valeurs républicaines sont obsolètes et que seule l'économie reste. Je ne crains pas de le dire : Sarkozy a réussi à affoler la boussole de notre société, à la désorienter, à perdre dans ce fatras ce qui nous fait vivre ensemble ; il a réussi à diviser, à surveiller, il a montré un pouvoir sourd et reste habilement aveugle.
Face à cela, permettez-moi de vous féliciter pour le travail dans lequel vous êtes engagés, pour les valeurs pour lesquelles vous militez, pour la place du citoyen que vous continuez à oxygéner, à faire vivre malgré tout, pour le maintien sur la place publique d'une volonté de dialogue et d'expression collective et pour la prééminence de l'intérêt général et l'absolue nécessité de la démocratie. J'espère que vous vous sentirez bien à La Seyne, le temps de votre court et laborieux séjour. En tout cas, je vous le redis, vous y êtes les bienvenus. Je crois savoir que, ce soir, vos pas vous guideront au pied du Pont levant, ancien pont des chantiers navals, un peu devenu notre tour Eiffel, pour assister au concert hommage à Claude Nougaro et vous détendre. Merci de votre patience et de votre attention. Et bon travail.