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30 mai 2011 1 30 /05 /mai /2011 07:21

 En avant première du salon littéraire du dimanche 9 octobre 2011 à Vaux le Pénil 

et du débat animé ce jour là de 14H30 à 16 H par l'auteur de ce texte et de nombreux livres

 

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Alain BENTOLILA, 29/05/2011

 

CE QUE LIRE VEUT DIRE

 

Lire, c’est tenter de fabriquer de l’intime avec du conventionnel. Lorsque je lis « les roseaux chantaient sous le vent », j’ai identifié six mots particuliers. Pour composer chacun d’entre eux, une combinaison orthographique unique est liée, par stricte convention, à un sens spécifique.  Parce que nous parlons le français, nous nous sommes mis d’accord sur ces associations. De plus, j’ai reconnu que ces mots s’organisent selon les règles clairement établies ; c’est ainsi que « roseaux » est placé avant « chantaient » pour indiquer qu’ils sont responsables du « chant » ; ainsi, la préposition « sous » indique la part prise par le vent dans cette action.

L’ensemble de ces conventions ne garantit pas, malgré sa force, que l’expérience que l’auteur a vécue sera reconstruite à l’identique par le lecteur. Loin s’en faut ! Ces conventions ne font qu’activer avec plus ou moins de précision sa mémoire intime qui s’est, au fil de son existence, nourrie de tout ce qu’il a vu, ressenti, dit, entendu ou lu. Comprendre, c’est ainsi répondre à une sollicitation extérieure, exprimée sur le mode conventionnel, par la construction d’une représentation forgée au plus profond de son intelligence sensible. La même phrase déclenchera autant de représentations qu’il y aura de « lecteurs » et cependant, toutes ces représentations, certes différentes, auront entre elles plus de choses en commun qu’avec celles qu’aurait déclenchées une phrase différente. C’est là la dimension paradoxale de la lecture : nous avons à interpréter, au plus intime de nous-même, la partition écrite par un autre. Pour qu’il y ait juste compréhension, il faut que cette interprétation soit éminemment personnelle mais en même temps scrupuleusement respectueuse des directives de l’Autre. La question muette : « Serai-je compris comme j’espère l’être ? » est donc toujours présente au cœur de l’écriture d’un texte ; comme doit être présente son écho dans la tête du lecteur : « L’ai-je compris comme il espérait l’être ? ». Cette incertitude partagée qui est au cœur de l’acte de lecture en fait une aventure commune chaque fois renouvelée. Deux intimités se cherchent avec l’espoir obstiné d’un éblouissement partagé qu’elles savent impossible ou du moins exceptionnel. Les mots qui sont adressés au lecteur inconnu l’invitent à un rendez-vous où il ne rencontrera que lui-même mais dont il sortira quelque peu transformé par les intentions d’un autre. Parce qu’elle est incertaine, la lecture exige autant d’obéissance qu’elle propose de liberté interprétative ; on en accepte les devoirs, on y exerce des droits.

Cet équilibre entre droits et devoirs est ainsi inscrit au centre même de l’apprentissage de la lecture. L’image qui me vient à l’esprit est celle d’une balance. Sur le plateau de gauche, je déposerai toute l’obéissance, tout le respect que je dois au texte et à son auteur. Cet homme, cette femme ont sélectionné des mots et pas n’importe lesquels ; il ou elle a choisi de les organiser en phrases selon des structures particulières ; il ou elle a décidé d’établir entre ces phrases des relations logiques et chronologiques significatives. Tous ces choix, fondés sur des conventions collectivement acceptées, constituent les directives que l’auteur a promulguées à mon intention dès l’instant où je me suis institué comme son lecteur. A ces directives, je dois infiniment de respect et d’obéissance.

Sur le plateau de droite, viendraient au contraire s’entasser mes intimes convictions, mes angoisses cachées, mes espoirs muets, mes expériences accumulées, parfois presque effacées. Tout ce qui fait de moi un être d’une irréductible singularité. Sur ce plateau, s’exercerait donc la pression d’une volonté particulière d’interpréter ce texte comme aucun autre lecteur ne l’interpréterait. Mes indignations ne sont pas celles d’un autre comme ne le sont pas mes enthousiasmes ni mes chagrins ; mes paysages ne ressemblent à aucun autre non plus que mes personnages.

L’école laïque, parce qu’elle est laïque, doit apprendre à établir un juste équilibre entre les deux exigences de la lecture : équilibre entre les légitimes ambitions d’interprétation personnelle et prise en compte respectueuse des conventions du texte. Tout déséquilibre pervertit gravement la probité de l’acte de lire. Car lorsque le respect dû au texte se change en servilité craintive, au point que la compréhension même devient offense, s’ouvre le risque de n’oser donner à ce texte qu’une existence sonore en se gardant d’en découvrir et d’en construire le sens car toute construction du sens deviendrait sacrilège. Le lecteur considère alors que le statut du texte le met hors d’atteinte de son intelligence et de sa sensibilité et il renonce à exercer son juste droit d’exégèse et de réfutation. Il pourra se livrer pieds et poings liés à la merci d’intermédiaires peu scrupuleux qui prétendront détenir la clé d’un sens que l’on devra recevoir avec infiniment de crainte et de déférence. Lorsque l’on assiste à certaines « leçons » dans certaines écoles coraniques ou talmudiques, on se rend compte à quel point le sens est confisqué par le  « maître », à quel point la construction du sens est interdite aux élèves. La mémorisation du seul bruit des mots prend systématiquement le pas sur l’effort personnel du sens. Lorsque les textes sont mis hors du jeu de la compréhension, ils peuvent alors servir les manipulations les plus dangereuses, justifier les actes les plus odieux, légitimer les traditions les plus inacceptables.

 

Mais lorsqu’au contraire, le texte n’est qu’un tremplin commode pour une imagination débridée, lorsque sont négligées par désinvolture ou incompétence les directives qu’il impose, on rend alors ce texte orphelin de son auteur ; on en trahit la mémoire ; on efface la trace qu’il a voulu laisser ; on rompt la chaîne de la transmission en bafouant l’espoir de l’auteur d’être compris au plus juste de ses propres intentions mais aussi au plus profond de l’âme de son lecteur. Habitués à « parier » sur l’identité des mots en se fondant sur de fragiles indices contextuels, invités à imaginer une histoire en prenant un appui précaire sur des images ou des intuitions, bien des élèves ont ainsi développé un comportement de lecture où l’imprécision le dispute à la désinvolture. Ils sont venus au terme de leur scolarisation former des cohortes d’illettrés d’un nouveau type. Ces « inventeurs » de sens, incapables de saisir avec rigueur les indices lexicaux et syntaxiques qui font la singularité d’un texte, sont venus concurrencer les déchiffreurs malhabiles que nous connaissions. A-t-on gagné au change ?

 

Dés lors que l’école laïque choisit de s’exonèrer des lois que Dieu, directement ou indirectement a imposé aux hommes, elle dut alors placer au cœur même de son combat la formation à une probité intellectuelle sans faille. A nos élèves, nous devons ainsi transmettre la nécessité d’un équilibre exigeant entre droits et devoirs intellectuels: droits d’exprimer librement sa pensée mais obligation de la soumettre à une critique sans complaisance ; droits de faire valoir ses convictions mais interdiction de manipuler le plus vulnérable ; droit d’affirmer ce que l’on croit vrai mais devoir d’en rechercher obstinément la pertinence ; droit de questionner ce que l’on apprend mais devoir de reconnaître la légitimité du maître ; droits enfin d’interpréter les discours et les textes mais devoir de respecter la volonté et des espoirs de l’auteur. L’école laïque ne dit pas ce qu’il faut croire ni en qui il faut croire, elle apprend à parler juste, à lire juste, à écrire juste et à regarder le monde avec rigueur. Elle donne ainsi à chaque élève les armes d'une liberté de pensée qui sert l'intelligence collective.

 

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15 mai 2011 7 15 /05 /mai /2011 21:19

souslafeuille 

 

« Sous la feuillée de Plumejouet »

roman de Jean-Zépyr Idoux

auto édition

2003

17,50 €

 

 Amour, jalousie et Révolution

 

L'histoire se déroule à l'ombre et autour du château fort de Blandy en Brie...Autant dire que, natif de ce village nommé aujourd'hui Blandy les Tours, je me suis précipité sur ce livre avec intérêt.

Je m'attendais à une histoire plaisante à lire mais surtout pas à trouver un bijou littéraire.

Dès les premières lignes, j'ai été surpris et vite enthousiaste.

Bercé par les descriptions poétiques du terroir et par le chant des phrases, j'ai tout de suite dégusté ce mets étonnant.

Certains pourraient reprocher à l'auteur d'utiliser trop de vieux termes inusités aujourd'hui et des expressions fort imaginées...Pour moi, cette construction riche en couleurs sort l'auteur et le lecteur de l'ordinaire pour un bonheur partagé.

La grande révolution, celle de 1789 se déroule à Paris, bien entendu mais c'est plus que son écho qui raisonne dans ce coin riche en histoire qui deviendra plus tard un havre de découverte touristique.

Aucune caricature n'est de mise ici, on trouve des « méchants » chez les nobles, bien entendu, des profiteur de toutes origines, des pauvres s'enhardissant et aussi quelques petits seigneurs du terroir considérant que les pauvres avaient droit à du pain et de la considération.

Certains discours comme ceux prononcés dans le cadre de l'élaboration du cahier des doléances du tiers état n'ont pas pris malheureusement beaucoup de rides :

« Méfiez-vous de ne connaître jamais la faim, car elle n'est pas cette menue aigreur qui vous chatouille les muqueuses stomacales quand vous attendez avec agacement qu'un valet vous serve votre festin, mais c'est un douloureux spasme répété et grandissant qui vous noue les tripes, vous abrutit jusqu'à faire de vous un coupe-jarret, un vide-gousset quand autour de vous vos marmots en crèvent ! »

La nature n'a pas perdu ses droits et ses écrins donnent des couleurs à cette histoire d'amour entre le berger du château et la chamarreuse .

 

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« J'ai grandi à l'ombre d'un chêne »

roman de Jean-Zépyr Idoux

auto édition

2008

18 €

 

La solidarité peut abattre des murailles !

 

L'auteur de « Sous la feuillée de Plumejouet » a attendu 5 ans pour nous offrir une suite à ce roman.

Méticuleux et amoureux de l'écrit, il n'est pas comme ces « écrivains » qui écrivent livre sur livre. Il a besoin de peaufiner pour offrir une œuvre réfléchie et travaillée.

J'ai lu ce livre d'un seul trait et j'ai dégusté les mots anciens bien amenés, la poésie des descriptions.

Il faut avouer, et c'est mon regret que «  les révolutionnaires de 1789 » n'ont pas le beau rôle .

ll est vrai que nous sommes en période thermidorienne et si des prêtres réfractaires sont poursuivis, des républicains connaissent eux aussi la réactiondans leur chair.

Baptiste, le berger de Blandy doit se cacher et sa femme Fleur-de-Marie va se retrouver en face de l'ignoble Colin qui veut la violer....

Le suspense est là, présent et le lecteur espère que les voyous, profiteurs d'une période troublée seront sévèrement châties...

L'auteur nous fait découvrir les marchés d'antan comme celui de Champeaux ainsi que la vie dans ces petits villages de la Brie....Les anciens métiers et travaux sont mis à jour pour permettre au lecteur de bien appréhender totalement la période historique où se côtoient le contre-coup de la crise politique qui secoue la société française et la vie locale, faite de petites lâchetés mais aussi de solidarités très fortes.

« Les secrets de familles sont lourds de mystères. On peut vivre à même feu, à même pain ou à même sel et ne point partager confidemment une profonde souffrance. »

Comme l'explique Clémence, l'aînée du couple « héros » de cette histoire :

« J'ai parfois attendu aux veillées d'hiver quand d'aucuns émondaient des noix, teillaient le chanvre, ou écossaient des fèves, que les langues se délient, mais que nenni, je n'obtins jamais de clés et ne parvins point à percer les arcanes familiales. »

Ce secret de famille qui risque d'hypothéquer l'avenir, sera t-il levé ?

A vous de goûter pour savoir...

Ah j'oubliais ! Les dessins de Pascal Chandavoine nous permettent de retrouver le château de Blandy tel qu'il était il y a deux siècles .

Une belle plume pour l'auteur et un bon coup de crayon pour l'illustrateur...Que demander d'autre !

 

Jean-François Chalot

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20 avril 2011 3 20 /04 /avril /2011 09:11

 

La République française honore la mémoire des victimes de la déportation, en particulier des déportés de France dans les camps de concentration ou d'extermination nazis.

Depuis l'adoption de la loi du 14 avril 1954, le dernier dimanche d'avril est consacré "Journée nationale du souvenir des victimes et des héros de la déportation".

Il existe des romans accessibles comme celui de Gilbert Bordes qui montrent concrètement les souffrances endurées par les enfants et expliquent comment s'est organisée la résistance à tous les niveaux...

Tous n'étaient pas des grands héros mais beaucoup ont montré un grand courage et comme l'a écrit Corneille « Aux âmes bien nées, la valeur n'attend point le nombre des années » !

 

 

« Les enfants de l'hiver »

roman de Gilbert Bordes51obVVR3TML__SS500_.jpg

X0 Éditions

287 pages

Février 2011



Un périple « fantastique »



Ils ne se connaissaient pas. Les uns étaient chrétiens, les autres juifs...Tout les séparait : l'origine sociale, la culture, l'éducation....

La guerre et la fuite devant les SS les ont réunis dans les Pyrénées entre la France de l'Espagne.

Certains sont des jeunes enfants, d'autres des adolescents qui peu à peu vont être capables de survivre dans des conditions plus que précaires. Il leur faut à la fois trouver les résistants qui les protègeront et à la fois se maintenir en vie, ici et maintenant. Il leur faut quérir de quoi se nourrir en plein hiver:

« Survivre ne demande aucune qualité particulière, seulement l'obstination de l'insecte au corps écrasé qui agite encore ses pattes pour échapper à l'outil du jardinier. Il n'y a rien d'autre à faire: marcher jusqu'à l'ultime battement de cœur »...

Chaque enfant va relever dans l'adversité et face au danger qui le menace sa vraie nature et aussi des capacités dont il ignorait ou sous-estimait l'existence.

L'histoire racontée est émouvante et touchante. L'auteur sait accrocher son lecteur et l'entraîner dans une histoire humaine « fantastique » avec un vrai suspens.

C'est un roman qui montre comment des êtres fragiles, en phase de construction peuvent passer de l' individualisme qui frise l'égoïsme à la solidarité.

Ce sont des enfants qui peu à peu se forgent une conviction d'adulte : « Être homme, c'est se battre jusqu'à l'extrême limite, c'est supporter la douleur et ne jamais renoncer ».

Ce roman est beau et fort.

Jean-François Chalot

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27 mars 2011 7 27 /03 /mars /2011 17:45

 

Nous espérons que l'auteur de ce livre pourra être des nôtres le 9 octobre 2011 au deuxième salon littéraire de Vaux-le-Pénil

 

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« Le principal,

il nous aime pas »

L'école à l'épreuve

de la mixité sociale

de Régis FELIX

éditions « Chronique sociale »

mars 2011

 

Comprendre , écouter et agir.

 

L'auteur, ancien professeur de physique termine sa carrière comme principal de Collège.

Militant à ATD Quart Monde, c'est un principal, à priori atypique qui raconte sa dernière année d'exercice...Le « à priori » est peut être de trop car des principaux de Collège agissent aux aussi comme Régis FELIX, ils essayent de comprendre les élèves, de connaître leurs difficultés afin de les aider à franchir le mieux possible ce cap difficile du Collège.

Le territoire de recrutement de cet établissement est mixte avec d'un côté des ensembles quelque peu déshumanisés et de l'autre une zone pavillonnaire.

Il y en a de plus égaux que d'autres, certains peuvent sans problème ne pas suivre, prendre du retard, ils savent que le soir leur père et mère seront là pour les épauler et de toutes façons il suffira de quelques heures de cours particulier.

Pour d'autres, seul le Collège peut leur servir de planche de salut, à une seule condition, c'est que les familles et les professeurs se rencontrent et œuvrent ensemble.

C'est difficile, d'autant plus que les familles en difficulté sociale ne viennent pas dans ce lieu d'instruction et d'éducation.

Comment les faire venir ? Comment leur donner l'envie de franchir la porte ?

L'histoire, humaine, éducative et sociale est passionnante et le lecteur s'attache rapidement à ces élèves et notamment à ces « décrocheurs » qui ne sont pas compris par l'école.

Ils vivent une situation complexe où co-existent l'attirance et le rejet de l'école qu'ils ne cessent d'interpeller.

L'échec de l'école, c'est l'échec de l'élève qui a sa part de responsabilité mais c'est aussi celui de l'institution et aussi celui des enseignants.

Il y a tant à faire pour leur donner les moyens d'agir.

L'auteur ne masque aucune difficulté et l'élève difficile ou violent n'est pas considéré seulement comme une victime.

La médiation, celle innovante impliquant les élèves constitue une clef du mieux vivre ensemble mais parfois il faut prendre des décisions « autoritaires » indispensables...Rien n'est facile. Si l'école n'est pas responsable de tous les maux, elle ne peut réussir sa mission qu'en se dépoussiérant.

C'est une condition non suffisante, mais nécessaire.

L'alternance bien faite avec une valorisation d'autres compétences que celles liées à l'intelligence de « l'abstraction » peut apporter de l'air frais :

Les élèves « auront ainsi l'occasion de développer d'autres talents que ceux reconnus par l'Ecole, en attendant que, peut-être un jour, une réforme ministérielle décide que le travail manuel, l'intelligence du geste, sont des bagages nécessaires à la scolarité obligatoire. »

 

Ces tranches de vie d'élèves et de l'établissement racontées dans un style alerte constituent une œuvre pleine et entière de réflexion sur l'avenir de l'école et les repères qu'apporte le principal au projet d'établissement fixent une orientation que je partage :

« - tous les élèves peuvent réussir; aucun adulte ne renonce définitivement devant une difficulté ou ne met un élève durablement à l'écart;

  • le monde est ouvert, l'espoir existe, l'avenir n'est déterminé pour personne. »

 

Jean-François Chalot

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31 janvier 2011 1 31 /01 /janvier /2011 08:04

 

Dans le cadre de la préparation du salon littéraire du 9/10/11 RENCONTRE AVEC UN AUTEUR

 

L'association des amis de la Ferme des Jeux, CICLOP 77 et Familles laïques de Vaux le Pénil préparent le deuxième salon littéraire .

Cette rencontre entre des écrivains, des éditeurs et leurs lecteurs actuels ou potentiels se déroulera

à la Ferme des Jeux de Vaux le Pénil le dimanche 9 octobre 2011.

Antoine Blocier auteur seine et marnais du « polar » « camping sauvage » nous a accordé un entretien que nous reproduisons ici.

( propos recueillis par JF Chalot)

 

 

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J'ai lu et même dévoré votre dernier roman "camping sauvage"

Non content d'écrire un "polar" où le suspense est omniprésent,

vous avez donné une part importante à la description

du milieu des SDF...Il ne s'agit pas pour vous de témoigner mais d'expliquer et de dénoncer le scandale de la paupérisation absolue de milliers de femmes  et d'hommes.

Pourquoi ce choix ?

Comment avez vous procédé pour écrire ce roman noir et politique... D'ailleurs acceptez vous cette caractérisation de politique, dans le sens plein du terme, bien entendu ?

 

Dans mon cas, le point de départ de la rédaction d’un roman est toujours étrange. Pour Camping sauvage, le déclic a été un soir où, au journal télévisé, j’ai cru reconnaître un vieux copain de jeunesse parmi les SDF interviewés. Ses traits étaient bien plus marqués, mais la couleur de sa peau et les intonations de sa voix étaient bien les mêmes que quarante ans auparavant. Le choc s’est produit lorsque son nom est apparu à l’écran : c’était bien lui !.. Ainsi, dans ma vie j’avais croisé la route d’un futur SDF !

La première question qui me soit venue à l’esprit c’est : « comment a-t-il pu en arriver là ? ». Ils ont beau être présents physiquement dans notre paysage, les SDF sont tout de même transparents. A bien y réfléchir, on se dit que personne n’a de SDF dans son entourage.

A partir de ce roman, je tente d’expliquer comment n’importe qui peut subir cette descente aux enfers et les différents chemins qui y mènent.

Pour l’écrire, j’ai beaucoup puisé dans mon expérience militante, j’ai lu, j’ai rencontré des personnes directement concernées… C’est un roman très noir, je le concède. Est-il « politique » pour autant ? La réponse mériterait quelques pages. Pour faire court : le polar se doit de parler de la société dans laquelle il évolue. Pour ce livre, certains ont cru me flatter en le comparant aux livres de Maxime Chatham. Cela n’a pas été le cas, car si ses histoires sont violentes, elles sont surtout le fait de déviants, d’individus isolés… Je pense plutôt que les criminels (même quelques psychopathes) ne sont que le produit d’une société donnée. Mon livre est violent ? Admettons. Mais la vie n’est-elle pas violente pour un grand nombre d’entre nous ? Car les SDF sont une part de nous-mêmes, ils sont des êtres humains que l’on traite plus mal que des animaux. Exposer froidement ce constat me semble participer au débat citoyen sur la place de chacun sur la planète.

Le milieu des SDF, du système caritatif qui les entoure et de la charity business sont la toile de fond de cette histoire. En ce sens, c’est aussi un livre politique, mais pas politicien.

 

Vous vous définissez comme un écrivain citoyen ! pouvez vous m'en dire un peu plus ?

Est-ce en relation avec le prix du livre ?
Au début  j'ai un peu "ronchonné" en voyant que le livre était composé avec des caractères un peu petits, puis, pris par le suspense, j'ai oublié ce détail.
J'ai par contre apprécié que cette œuvre soit accessible...12 € pour tant à lire, c'est rare !

Ecrivain… parce que j’écris. C’est un peu pompeux comme nom. En réalité, je préfère dire « auteur », car j’ai l’impression comme ça de n’être pas figé dans un rôle, dans l’image mentale que l’on se fait de l’écrivain. Si mon œuvre traverse les décennies, il sera toujours temps de m’affubler du qualificatif d’écrivain !

Quant à « citoyen », cela dépasse le prix du livre, même si cela a été important pour Camping sauvage. Il aurait pu être plus grand format et donc coûter 17 euros, avec l’éditeur nous avons préféré 12 euros et avouez que si l’ouvrage se vendait en rapport au nombre de mots, il ne serait pas cher ! C’est une blague… Car il y a de petits bijoux de littérature très courts et peux onéreux, et des pensums qui valent le prix d’un bras et où l’on s’ennuie au long des pages. En général, je trouve que le prix des livres est trop élevé.

 

Mais la référence à « citoyen » est surtout en relation avec mes écrits. Bien sûr je commets des pamphlets sarkophobes, çà c’est de la résistance. Mais même dans les romans, mon intérêt pour la société est omniprésent. Raconter une histoire sans jamais évoquer son contexte, social, historique ou économique me semble sans intérêt. Les histoires d’amour ne sont pas étrangères à ce que vivent les amoureux en dehors… les histoires policières non plus. Que nous en soyons conscients ou pas, le monde et la société nous façonne les uns et les autres. Cela joue évidemment sur nos comportements et nos motivations pour agir. Qu’il s’agisse de tuer ou d’entamer le tour du monde en vélo.

 

Aujourd’hui, il faudrait presque s’excuser d’avoir de l’empathie pour des personnages, d’avoir des valeurs à exposer… faute de quoi notre livre ne serait plus un roman mais un discours politicien. Les romans d’Elsa Triolet étaient-ils des « thèses sociales », parce qu’on y découvrait la vie des petites gens, ou des chefs d’œuvres de la littérature, simplement ? Personne ne reproche à Zola ou à Balzac d’avoir été des écrivains citoyens… Bon, d’accord, la comparaison avec ces monstres de la littérature est osée. Mais c’est dans cette veine-là que je veux écrire. Avec les mots et les ressorts de notre époque.

   

Si vous aviez à conseiller un autre de vos romans, lequel présenteriez vous ?

Comme tout lecteur conquis par un livre, je suis un peu curieux : avez vous un autre projet d'écriture et quel est t-il ?  vous avez peut être choisi de garder cette information confidentielle !

 

Il m’est difficile de conseiller un autre livre, car ma production est éclectique. On y trouve aussi bien des polars que des nouvelles ou encore des pamphlets… Si l’on veut rester dans le polar, il y a Rockquiem (édition du bout de la rue), où l’on fait connaissance avec le Minotaure (que l’on retrouve ensuite dans Camping sauvage), mais il y a aussi le recueil de 12 nouvelles noires, cyniques, cruelles, intitulé « Dans la limite des places disponibles », aux éditions le Temps des cerises.

Quant aux projets, j’en ai plusieurs sur le feu. Le premier est un roman en direction du jeune public (11-15 ans). J’en ai déjà écrit un bon tiers. Il y est question des Rroms… Et en ce moment je retravaille un ancien roman épuisé, pour l’actualiser afin qu’il sorte à la rentrée. .. Enfin, je collecte des infos et de la documentation pour un prochain polar dont le titre provisoire est « Le jour du saigneur ».

 

Nous préparons notre deuxième salon littéraire à Vaux le Pénil en partenariat avec plusieurs associations dont celle des amis de la Ferme des Jeux.

Cette initiative a pour objet de faire connaître des maisons d'éditions qui sont moins connus que les "grandes" maisons ainsi que des écrivains.

Le deuxième rendez vous annuel est fixé au 9/10/11 ( 9 octobre 2011 )

Pouvons-nous compter sur votre présence  ainsi que sur votre participation au déjeuner débat qui portera sur la pauvreté ?

 

Ce serait avec plaisir que je participerais à la journée du 9 octobre. J’ai juste un problème technique d’agenda à régler, ayant déjà donné ma parole pour un engagement dans un grand salon littéraire. J’attends confirmation de la date.

Cela étant, la petite maison Krakoen se fera une joie de venir présenter la richesse de sa collection.

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21 janvier 2011 5 21 /01 /janvier /2011 20:32

 

« Camping sauvage »

roman

d'Antoine Blocier

Editions Krakoen

Forcément noir

septembre 2010

314 pages

12 €

 

 

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Qui veut la peau des sans rien ?

 

Ils sont des milliers, sans défense avec si peu d'attache pour ne pas dire aucune à essayer de survivre dans un Paris indifférent, un peu solidaire, du moins inquiet en hiver et pas du tout en été quand ces sans rien font tache (!?)au moment de l'arrivée des touristes étrangers.

Cette fiction conçue et rédigée par Antoine Blocier est noire, comme est noire la vie des exclus, ces naufragés de la vie, victimes d'une société où la grande pauvreté a une fonction sociale!

« accompagnée du manque de logements, d'emplois, de salaires décents, elle vise à calmer l'ardeur de ceux qui seront toujours aux limites de la rupture. Oseront-ils revendiquer, manifester, exiger... au risque de perdre le peu qu'ils ont ? Au risque de se retrouver exclus à leur tour, entraînés dans la spirale sans fin de la déchéance ».

 

L'analyse est implacable et juste à la fois.

 

La mort ne fait pas que rôder, elle frappe les SDF et notamment les « étrangers », ceux qui n'ont plus de familles ou qui sont séparés de leurs proches.

Qui viendra réclamer les corps ? Qui décidera de mener une véritable enquête?

Les lâches s'attaquent aux vulnérables, comme le font ces autres « tordus » qui instaurent des distributions de soupe à base de porc réservées à ceux qui ne sont ni juifs, ni musulmans. « Agiter la soupe sous le nez de ceux qui ont faim mais ne peuvent en manger est d'une rare cruauté. La haine est parfois facétieuse. »

 

Les phrases défilent et s'enchaînent à un rythme parfois endiablé, le suspens est présent en permanence et l'auteur réussit à écrire un vrai « polar ».

Pour réussir son œuvre, l'auteur rajoute et mélange avec réussite deux ingrédients : une écriture soignée et une description du quotidien des SDF qui campent sur le quai du canal Saint-Martin.... énigme et sociologie constituent ici un mélange explosif de qualité.

Antoine Blocier nous montre la réalité de la société des SDF, les rivalités existantes mais surtout, malgré la misère subie, leurs solidarités réelles.

 

Attachez vous bien au siège, l'auteur ne vous ménage pas...Au moment de l'accalmie un nouveau drame surgit avec des SDF victimes de rites barbares. On se croirait dans le livre d'anthropologie du professeur Samuel Goldberg, l'un des personnages de ce roman....Mais nous sommes pourtant au début de ce troisième millénaire dans cette capitale si surveillée et si moderne!

Serait-il encore minuit dans le siècle pour tous ceux qui sont sacrifiés sur l'autel de l'indifférence ?

Captivé par l'histoire, j'ai essayé plusieurs fois de lâcher mon livre pour souffler...Je n'ai pas pu, il m'a fallu aller jusqu'au bout de l'enfer.

Mais, bien évidemment je ne dévoilerai pas la fin de l'histoire ni la solution de « l'énigme »...Allez

découvrir ce livre, vous l'aimerez, j'en suis sûr.

 

 

Jean-François Chalot

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26 décembre 2010 7 26 /12 /décembre /2010 07:20

Bonjour à tous,

Sûrement un nouveau conseil avisé de Jean-François, lecteur boulimique à la limite de l'addiction.

Patrice THEVENY

 

« Je suis arabe

… et je m'en sors ! »

livre de Kenza Braiza - Editions de l'Hèbe - novembre 2010 - 158 pages

 

                                               Derrière l'étiquette....

 

Voici un livre plaisant à lire, intéressant qui permet de combattre efficacement toutes

les stupidités qui circulent ça et là sur la communauté « arabo-musulmane ».

Au moment où les « fous de dieu » et les xénophobes identitaires et leurs alliés se déchaînent contre l'autre, au nom d'une idéologie de rejet, il est bon qu'en termes simples tous les clichés soient démontés.

L'existence du fondamentalisme est indéniable mais il reste marginal, malgré la volonté et l'activisme de ses adeptes et les images d'épinal véhiculées.

L'auteure, fille d'un père irakien et d'une mère algérienne montre et démontre même que l'arabité peut constituer un atout pour la personne issue de cette culture et pour le pays dans lequel elle vit.

J'ai d'ailleurs fort apprécié d'encadrer des stages BAFA à Orly et dans le Val de Marne, j'y ai formé de très nombreux jeunes d'origine arabe et kabyle fort dynamiques et ayant des capacités indéniables..

Je n'idéalise pas et il m'est arrivé assez souvent d'insister sur un certain nombre de principes comme celui instaurant l'égalité des droits entre les filles et les garçons....D'ailleurs sur ce terrain, les « beurettes » m'apportaient souvent une aide efficace.

Je ne partage pas la totalité des points de vue de l'auteure notamment quand elle salue la création du CFCM ( Conseil français du culte musulman) mais je reste en accord avec elle sur l'essentiel.

Elle aborde toutes les questions, y compris celle de la sexualité des femmes musulmanes.

Ce « n'est pas une chose simple et débridée par essence. Elle est toujours le fruit d'une bataille, d'une conquête: contre les hommes en général, contre les hommes de la famille en particulier qui n'ont de cesse de protéger la virginité des jeunes femmes, contre les non-dits et les interdits, contre leur propre culpabilité à écouter leurs désirs et à jouir... »

Elle fait la peau aux idées reçues et elle fait mouche à tous les coups en démontant la mécanique infernale du racisme qui s'appuie sur des préjugés négatifs.

 

Jean-François Chalot

 

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11 décembre 2010 6 11 /12 /décembre /2010 11:32

5550

  

« Le soupir »
conte de Marjane Satrapi
Editions Bréal

12 €
55 pages
octobre 2010

   

 La quête du souffle de la vie

 

Qui a prétendu que la curiosité était toujours un vilain défaut ?
Rose, grâce à son esprit d'initiatives va ainsi pouvoir redonner de l'espoir à des personnes tristes ou même désespérées...
Il suffit de regarder et d'intervenir au bon moment …
Le monstre n'est pas toujours un être abjecte, il peut parfois cacher un profond désespoir !
Le comportement de certains enfants est compréhensible à ceux qui prennent la peine de réfléchir
et d'observer.
Rose va t-elle trouver le bonheur et la plume permettant au prince-charmant bien entendu- de recouvrer la vie ?
Marjane Saprati, cette graphiste iranienne qui a fui l'islamisme et nous a offert Persépolis nous propose là un conte superbe.
Ce livre aéré, bien écrit et accessible à partir du cours moyen est parsemé de dessins.
Le lecteur retrouve tout l'art de la représentation par le trait de l'auteure qui y rajoute pour l'occasion  les couleurs indispensables à toute histoire merveilleuse

 

Jean-François Chalot

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11 octobre 2010 1 11 /10 /octobre /2010 15:55

 

Le salon littéraire de Vaux le Pénil

 

Ce premier salon littéraire était organisé par l’Association de la Ferme des Jeux, Familles laïques et Ciclop 77, en partenariat avec la Ville. L'affluence pour cette première était très satisfaisante. Les auteurs et éditeurs ont tiré un bilan flash positif. L'un d'entre eux , venu de Nîmes a pris spontanément la parole pour donner son appréciation qui n'a pu que réconforter les organisateurs dans leur envie de remettre le couvert l'an prochain :

« - l'organisation était parfaite

- l'accueil était chaleureux

- Nous avons pu rencontrer de nombreuses personnes. »

Le repas-débat organisé par notre association a réuni 25 personnes (20 étaient inscrites) autour d'Eddy Khaldi, de Guy Georges, de Malika Messad et de Pierre Baracca. Une discussion intéressante a permis de dégager de larges accords sur la nécessité de défendre la laïcité et de refuser tout communautarisme et toute différence des droits.

Aujourd'hui, comme hier les laïques qu'ils soient chrétiens, musulmans, juifs, athées, ou agnostiques défendent les seuls principes qui permettent de vivre ensemble.

 

Pierre et Malika

Un auteur nous écrit

Un débat sur la laïcité au « 1er Salon littéraire » de Vaux-le-Pénil : le poids de l’Histoire…
 

À l’occasion du premier « Salon littéraire » organisé par l’Association de la Ferme des Jeux, familles laïques et Ciclop 77 à Vaux-le-Pénil, dans la banlieue de Melun (Seine-et-Marne), dimanche 10 octobre 2010, qui a réuni auteurs et éditeurs, s’est tenu un déjeuner-débat sur la laïcité. Ce principe qui est un des fondements du contrat démocratique français, est aujourd’hui, on le sait, menacé.

La laïcité attaquée par les intégrismes

 

Des intégrismes déterminés ont apparemment l’intention de le ruiner. Les déclarations du président de la République, pourtant garant constitutionnel de ce principe républicain, ont pu leur faire croire qu’il poursuivait le même objectif. Dans un premier discours à Saint-Jean-de-Latran à Rome, le 20 décembre 2007, il a parlé de « laïcité enfin parvenue à maturité » ou encore de « l’avènement d’une laïcité positive ». On se souvient de sa comparaison dévalorisante pour les laïcs par rapport aux religieux : « Dans la transmission des valeurs et dans l’apprentissage de la différence entre le bien et le mal, s’était-il écrié, l’instituteur ne pourra jamais remplacer le pasteur ou le curé, même s’il est important qu’il s’en approche, parce qu’il lui manquera toujours la radicalité du sacrifice de sa vie et le charisme d’un engagement porté par l’espérance. ». Le 14 janvier 2008, le président de la République revenait sur le sujet à Riyad en Arabie Saoudite en saluant l’Islam.

 

Le terrible témoignage de Faïza

 

Le débat à Vaux-le-Pénil était animé par un universitaire de l’IUT de Lille 3, Pierre Baracca, et la directrice de cabinet du maire d’Halluin dans la région lilloise, Malika Messad. Ils viennent de publier en avril 2010 un ouvrage issu de trois mémoires soutenues par des étudiantes en « Animation sociale et socioculturelle », intitulé « Les animateurs face à l’intégrisme religieux et à l’oppression des femmes » (1).

 

Ils se sont appuyés pour commencer sur le témoignage d’une des étudiantes, Faïza, qui par peur n’a pas voulu signer l’ouvrage de son patronyme. Que disait-elle donc de si compromettant ? Elle racontait tout simplement l’ordinaire de la domination masculine non seulement subie , mais intériorisée et acceptée par les femmes musulmanes. En les écoutant, on revoyait des images de l’émission d’ARTE, récemment diffusée (2), « La cité du mâle ». Cette équation de sons par le jeu de mots entre « mâle » et « mal » valait avec pertinence équation de sens.

 

Deux points de vue sur la laïcité avec l’Histoire comme ligne de partage des eaux

 

1- L’échange a toutefois fait apparaître sinon un clivage du moins deux points de vue différents susceptibles d’en créer un si l’on y prend pas garde. Les uns entendaient défendre la laïcité contre ses ennemis sans faire de distinction. Elle inspirait un mode de vie, selon eux, qui écartait toute ingérence d’une croyance religieuse dans l’espace public. Être laïc, soutenaient-ils, signifiait donc qu’aucune discrimination ne devait être opérée entre les religions, quelles qu’elles soient, logées à la même enseigne privée.

 

2- Sans contester cette démarche, les autres entendaient l’inscrire dans l’Histoire. Car, sous peine de se voiler la face, religion catholique ou protestante et religion islamique n’avaient pas connu la même aventure. Ce n’est qu’après des siècles d’affrontements souvent très violents et sanglants qu’en France, la religion catholique a été contrainte de composer, d’une part, avec sa rivale, la religion protestante, et, d’autre part, avec le pouvoir civil royal ou impérial, avant de devoir se résigner à la séparation de l’Église et de l’État en 1905. Et encore a-t-il fallu une guerre mondiale et la fraternité inattendue des tranchées entre croyants et incroyants pour qu’enfin l’Église catholique en vienne à accepter en 1924 la nouvelle situation.

 

L’Islam n’a jamais connu pareil affrontement à la laïcité. Là où il s’est développé, il a toujours exercé une domination sans partage. À l’exception de la Turquie, les pays à majorité musulmane ont des régimes autoritaires inspirés par les rites et usages islamiques.

 

« Le chanoine du Latran chez le pape Benoît XVI : Sako à confesse »

 

En revanche, au cours des cent ans écoulés, les catholiques ont en majorité apprécié pour finir cette séparation de l’Église et de l’État et en sont même devenus des défenseurs sincères. Ils y ont trouvé, à vrai dire, avantage : on ne peut plus les confondre, comme avant, avec le pouvoir et les familles conservatrices ou réactionnaires, même si nombre d’entre eux votent à droite ou au centre-droit. Par sa récente visite au Vatican, le président de la République a ainsi tenté de rassurer son électorat catholique après des frasques et des mesures législatives qui avaient pu le heurter et le détourner de lui dans la perspective de la prochaine présidentielle : « Le chanoine du Latran chez le pape Benoît XVI : Sarko à confesse », a titré un hebdomadaire en couverture. Saura-t-on deviner lequel ? Non, ce n’est pas Le Canard Enchaîné, mais l’organe d’ un mouvement catholique, Golias.

 

« Celui qui croyait au ciel et celui qui n’y croyait pas »

 

Ne pas tenir compte de l’Histoire expose donc à deux erreurs graves. 1- L’une est de minimiser le parcours que l’Islam a à effectuer pour se résigner à vivre dans une société laïque : le témoignage de Faïza permet de prendre la mesure de la « conversion » qui est attendue de lui. 2- L’autre est d’ignorer le parcours déjà effectué par une majorité de catholiques qui parfois se montrent plus exigeants en matière de laïcité que des laïcs eux-mêmes.

 

Le déjeuner-débat de Vaux-le-Pénil était donc passionnant. Les laïcs doivent ne pas se tromper d’adversaire et savoir reconnaître leurs alliés. En somme, les termes du problème posé par Aragon dans son poème « La Rose et le Réséda » qui évoque la fraternité de la Résistance, sont et seront toujours d’actualité : il importe que « celui qui croit au ciel » et « celui qui n’y croit pas » sachent se respecter et même s’apprécier pour qu’au moins la vie sur terre ne soit pas un enfer. Le président de la République partage-t-il ce point de vue, lui qui, dans son discours de Riyad, a aussi prétendu « respecter ceux qui croient au Ciel autant que ceux qui n’y croient pas » ? On voudrait encore le croire… Paul Villach

 

(1) Pierre Baracca, Amandine Briffaud, Anne-Gaêlle Cogez, Danielle Demaire, Faïza, Malika Messad, « Les animateurs face à l’intégrisme religieux et à l’oppression des femmes – Témoignages, discussion, enjeux de formation », Éditions L’Harmattan, 2010.

 

(2) Paul Villach, « « La cité du mâle » : France Culture a tenté de discréditer l’émission d’Arte », AgoraVox, 1er octobre 2010.

 

LIBRES PROPOS D'UNE ECRIVAINE

ce texte est paru dans le
Cabinet de lecture sur Rue89.

Merci à l'auteure de nous avoir donné l'autorisation

de le mettre sur notre blog
 

Je vais faire quelque chose de sale, de très sale, quand on écrit : je vais parler d'argent. Faut-il être pauvre pour être un bon écrivain ? On pourrait le croire. Sinon, pourquoi la chaîne du livre n'accorderait-elle en moyenne à l'auteur que 10% de droits ? À moins que pour être un bon écrivain, il ne faille être riche ?

 

Prenons mon exemple, qui est loin d'être le pire. Premier roman d'une inconnue chez un éditeur en vue : le contrat-type prévoit les fameux 10% et 1 500 euros brut d'à-valoir − deux virements de 690 euros net : un à la signature du contrat, l'autre à la parution.

 

Dans mon cas, le livre a été apporté par une éditrice extérieure à ma maison d'édition : elle touche donc 2% sur chaque exemplaire. Ce qui, d'après moi, est fort peu pour avoir veillé sur un manuscrit. Il est intéressant de voir où sont piochés ces 2% : sur la part de l'auteur. Mon pourcentage est donc ramené à 8%.

 

Percevant environ 1,20 par livre, il me faudra vendre 1 250 exemplaires pour rembourser mon à-valoir et recevoir à nouveau quelque argent.

 

Arrêtons-nous un instant sur cette notion d'à-valoir. Nombre de maisons d'édition n'en versent pas. Ce qui est très compréhensible pour de petites maisons sans moyens. Beaucoup moins pour de grosses structures comme Gallimard, où le prestige d'être publié en collection blanche est censé suffire à l'auteur. Le prestige l'aidera-t-il donc à payer son loyer ?

 

En outre, plus l'à-valoir versé est important, plus la maison d'édition se démènera pour soutenir le livre et avoir « un retour sur investissement ». Leçons de mathématiques et de psychanalyse du monde moderne : on n'aime que ce que l'on a cher payé.

 

Il arrivera un temps où les « petits » écrivains se rebelleront contre cet état de fait. Ils ne remettront pas en question la relation particulière à l'éditeur qui est essentielle dans leur processus créatif, mais ils n'accepteront plus d'être les derniers dans la chaîne du livre. Ce temps viendra-t-il avec le numérique ?

 

Marc-Edouard Nabe qui a derrière lui des lecteurs et quelques journalistes fidèles, a été très loin en auto-publiant son dernier roman. Opération rentable, puisqu'une fois payé les dépenses incompressibles, il perçoit 70% sur chaque exemplaire.

 

Tout cela pose la question de ce que c'est qu'écrire. Une activité ? Un métier ? Un loisir ? Une passion ? L'intermittence du spectacle a été créée en 1936, étendue à tout le spectacle en 1969. Mais aucun statut n'a jamais été créé pour l'auteur. Sa condition n'a pas changé depuis le XIXe siècle : il est précaire ou rentier.

 

On me rétorquera qu'écrire ne doit pas être une activité lucrative, que l'art et la littérature doivent échapper au commerce et à l'argent.

 

Mais aussi « pur » soit-il, l'écrivain doit bien payer un loyer et manger. Il vit dans un monde paradoxal qui trouve normal la propriété privée, mais qui considère comme dégueulasse la rétribution de la création artistique. Et qui, pire encore, spécule sur elle. Puisque, rappelons-le, quand les uns crèvent de faim, les autres font atteindre aux à-valoir des sommets.

 

On me dira aussi que le seul moyen pour l'artiste d'être libre est d'avoir une activité salariée parallèle. Mais tous ceux qui ont tenté d'écrire un jour le savent : impossible d'avoir une activité salariée à plein-temps et d'écrire.

 

Écrire se fait déjà contre vous-même : vous vous débattez avec vos propres doutes, vos peines, vos désirs, vos limites, vos incapacités ; c'est en les vainquant que vous arrachez la matière du livre.

 

Ajoutez-y le salariat, et c'est la bérézina : vous écrivez moins longtemps, moins bien, avec les idées moins claires, la fatigue inhérente au travail venant se mettre entre vous et la feuille.

 

C'est ainsi que vous vous levez chaque jour à quatre heures du matin pour écrire deux heures avant d'aller travailler à sept, parce que vous savez que le soir, avec la fatigue, vous n'y arriverez pas. Qui peut écrire longtemps dans ces conditions ?

 

Alors un jour, on quitte l'assurance d'un emploi fixe et on décide qu'on écrira, quel que soit le prix à payer.


L'auteur n'est pas en mesure de grandir ; les conditions matérielles le maintiennent dans un état de dépendance envers tout le monde : son éditeur, la chaîne du livre, son conjoint, sa famille, la société. Son besoin d'indépendance le condamne paradoxalement à la dépendance.

 

Mais peut-être est-ce voulu ? S'il veut survivre, il est ainsi prié d'écrire des livres qui marcheront et alimenteront l'économie du livre.

 

Les auteurs implantés dans le milieu de l'édition développent des stratégies de survie. Ils animent des ateliers d'écriture, des débats littéraires, recherchent des bourses d'écriture, des résidences d'écrivain, deviennent journalistes, lecteurs, etc.

 

Les autres, hors-milieu, sont au RSA, au chômage, se font entretenir, survivent à l'aide de petites activités, d'expédients. Pas grand-chose n'a changé depuis les « Illusions perdues ».

 

Écrire est donc un choix contre le bon sens. Et si la publication ne permet pas de vivre matériellement, elle permet au moins de justifier la folie de son sacrifice.

 

Pour ma part, je fais un contre-la-montre constant. Aujourd'hui, j'ai des certitudes financières jusqu'à décembre 2010. Après ? Après, il faudra bien trouver une solution. Il y a ce nouveau roman que j'ai commencé à écrire et cette pièce de théâtre à corriger. Alors oui, il faudra bien trouver le moyen de tenir.

 

Natacha Boussaa

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31 août 2010 2 31 /08 /août /2010 13:58

 

Rencontres, dédicaces, lectures, conférences, ateliers d'écriture.

 

Avec les auteurs : Marc Kravetz (prix Albert Londres, grand reporter à France Culture), Domitille de Pressensé (éditrice de la collection "Émilie jeunesse"), Eddy Khaldi (enseignant et militant), Anne Eau (comédienne), Richard Taillefer (poète), Philippe Sternis (BD), Pierre Baracca (enseignant), Isaline Rémy et Valdo (poésie et photographie), Anne Martinetti (polar et cuisine), Pascal Vandier (témoignage), Bernard Devillaire (romans), Jean-Michel Chevry (musicien voyageur), Sylviane Laniau (romans), Pierre Brulhet (fantastique), Raphaël Azad (romans), Gisèle Meunier (littérature), Phoebé Flandre (science-fiction), Hervé Priëls (romans), Sophie Massonnaud­Herbouiller (romans), Guy Georges (instituteur syndicaliste), Lazzi Galaï (aphorismes), Badia Hadj Nasser (nouvelles), Bernard Caron (histoire locale)... Les illustrateurs : Stéphane Armède, Cécile Rastouil...

 

Et : les éditions du trou de nez (jeunesse), la cause des livres (sciences humaines, littérature autobiographique), les éditions du Sonneur (littérature), les éditions Mouck (jeunesse), Autour du livre (rock), Amatteis (région), éditions Grrrart (BD, jeunesse, romans), Artena (art, histoire), Lokomodo (fantastique), Deux lunes à l'autre (romans, poésie), les amis de Dodova (jeunesse), Cdanslapoche éditions (romans), Carte Blanche (littérature contemporaine), la Grappe (revue), la chronique sociale (sciences humaines), les éditions du bout de la rue (jeunesse, roman, polar, poésie), ATD Quart Monde, éditions Sudel (enseignement), Amnesty International, Rytrut éditions (musique), éditions de la Guette, association CM98...

 

Une manifestation organisée par l'Association de la Ferme des Jeux, Familles laïques de Vaux-le-Pénil, Ciclop 77 ateliers d'écriture et la bibliothèque municipale de l'Arcature. Informations : assofermedesjeux@gmail.com

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  • familles-laiques-de-vaux-le-penil.over-blog.com
  • C'est une association familiale laïque qui lie le combat social et le combat laïque
Son projet associatif s'inscrit dans le PAL ( prestation d'animation locale) et le PAL Vaux le Pénil est adhérent à la Fédération des Centres Sociaux 77
  • C'est une association familiale laïque qui lie le combat social et le combat laïque Son projet associatif s'inscrit dans le PAL ( prestation d'animation locale) et le PAL Vaux le Pénil est adhérent à la Fédération des Centres Sociaux 77

AGENDA

 

 

  -oOo-

 

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 Vendredi 10 février 2023

 Vendredi 10 mars 2023

sur rendez-vous au 

09 75 38 81 13 

 

    Affiche surrendetement RVB    

 

Sinon, toute l'année,  il y a des permanences hebdomadaires à 

 Melun, Dammarie, Le Mée, St Fargeau-Ponthierry, Moissy Cramayel.....

Renseignez vous auprès de notre secrétariat !

Qui sommes nous ?

Association fondée sur le principe de la laïcité,

intervenant dans tous les domaines

 où l'intérêt des familles est concerné.

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