Intervention de
Nicole Frapaize, directrice
de la maison petite enfance de Saint Fargeau Ponthierry (Seine et Marne
Témoignage
La Maison de la Petite Enfance implantée sur le territoire d’une intercommunalité date de 2006. Elle regroupe plusieurs services à l’intention des enfants de la naissance à 6 ans. Deux multi accueils collectifs (60 et 32 places), un accueil de loisirs maternel, un relais assistants maternels, un centre de consultation PMI, une ludothèque, un lieu d’accueil enfants parents, des ateliers d’éveil et des temps d’échanges parents enfants, un groupe de paroles parents, un restaurant. Ce lieu est du à une volonté et une implication politiques fortes où les élus portent la conviction de l’apport et de l’intérêt pour les habitants de disposer d’un service cohérent par son approche globale.
Il nous est proposé ici de témoigner de l’accueil éducatif du tout petit, il ? est de la génération à venir, nous sommes de celle qui l’accueille ?, nous sommes ceux qui allons l’entourer, le respecter, le protéger. Nous sommes la génération professionnelle qui est passée des modes de garde aux modes d’accueil considérés comme un lieu de vie. Le terme ? éducatif ? est à saisir dans le sens de l’accompagnement au développement global de l’enfant.
L’arrivée d’un enfant dans un mode d’accueil, ? dont la première mission est de veiller à la santé, à la sécurité, au bien-être et au développement de l’enfant (décret août 2000) et depuis le décret de juin 2010 de contribuer à leur éducation ?, correspond à une période intense de construction où il élabore son unité à partir de son propre développement sensori-moteur ; en effet, l’activité spontanée du petit est une fonction constructive et élaborative majeure. Il construit peu à peu une relation fiable, stable et continue avec ses parents d’abord, puis avec une personne ayant la capacité à lui donner des soins et à le satisfaire, une personne qui va l’accompagner et lui permettre d’anticiper peu à peu ce qui va arriver. Il est rappelé qu’un enfant qui attend beaucoup la satisfaction de son besoin peut perdre le sentiment de sécurité qui lui est indispensable pour grandir. Or, la vie en collectivité peut être source de discontinuité, car le temps de présence des enfants est souvent supérieur au temps de présence des adultes. Il s’agit alors d’harmoniser les pratiques des adultes auprès des enfants, d’organiser l’espace pour permettre à l’enfant de conduire son activité jusqu’à son terme et où il pourra agir seul, de prévenir l’enfant plongé dans son activité de l’interruption à venir, de définir des règles peu nombreuses, d’assurer une qualité des soins corporels qui participe de la construction psychique du tout petit, car ? c’est par la similitude des soins, le retour à l’identique des besoins et de leur satisfaction, garantis par la permanence et la constance du maternage que l’enfant peut petit à petit accepter la réalité ?. Dans un lieu d’accueil de la petite enfance, l’objectif premier est d’assurer cette continuité et cette permanence, c’est le c?ur du projet.
Une équipe pluridisciplinaire de 55 personnes (infirmière, animateurs, CESF, éducatrices de jeunes enfants, éducatrice spécialisée, auxiliaire de puériculture, agents éducatifs, psychologue, psychomotricienne, musicienne, agents d’accueil et agents techniques) anime cet équipement et bénéficie d’actions de formation et de qualification (formation continue, VAE, contrats d’apprentissage, concours). Les deux multi accueils combinant accueil régulier et occasionnel tentent de favoriser la conciliation des différents temps sociaux et la place des familles. Des valeurs comme la confidentialité, la sécurité, le respect, l’écoute, la coopération, la reconnaissance étayent le projet éducatif.
Au sein des services, une attention est portée pour impulser un accueil physique et psychique qui favorisera l’insertion des parents et donc de l’enfant.
L’aménagement de l’espace, le choix du mobilier et son organisation, la pluridisciplinarité des professionnels, le projet pédagogique, la disponibilité de l’équipe de direction, les réunions, les temps d’échange, les intervenants spécialisés, des ateliers d’éveil corporel, musical, la formation participent et fondent cette préoccupation d’inscrire le tout petit comme personne à part entière.
Nous disposons sur les services d’intervenants spécialisés : médecin, psychomotricienne, psychologue, musicienne qui apportent leurs compétences propres aux parents, aux enfants et aux équipes.
De quoi pouvons-nous alors témoigner ? Du côté des parents : d’un souci constant d’accueil, d’accompagnement, d’écoute, de chercher à comprendre, de conforter, voire de réconforter, d’échanger, de laisser du temps au temps, d’apaiser, de relativiser, de proposer, voire d’orienter en organisant des rencontres parents, des cafés des parents et des temps conviviaux. Ainsi nous sommes dans l’accueil tout en recherchant les modalités de la coéducation par l’articulation des différents espaces (maison/service) dans le respect des places et des fonctions de chacun, autant que possible.
Du côté des enfants : L’accueil consiste en l’accent porté sur la connaissance des besoins psychoaffectifs, moteurs et sociaux de l’enfant et le travail sur l’articulation entre vie de groupe et besoins individuels : bienveillance, écoute, analyse, soutien et échange autant que possible et le plus possible… En ce sens, il faut dire et redire que la disponibilité et la présence des professionnelles sont le ressort essentiel de la capacité d’autonomie de chaque enfant. En effet le tout petit s’appuie, se construit, grandit et se développe en interaction avec l’adulte qui le nomme et le reconnaît, d’où l’importance des ratios d’encadrement et de leur respect. La relation de chaque enfant avec un adulte référent est un incontournable pour donner à l’enfant ce ? sentiment continu d’exister ? (Cf. Winnicot), pierre angulaire de l’estime de soi et de la confiance en soi, ce qui nécessite du temps et du savoir faire. Plus l’adulte satisfera par sa disponibilité aux besoins proches et immédiats du tout petit, plus l’enfant développera sa capacité d’autonomie, avec des soins substitutifs de qualité suffisante. L’amour porté aux parents et l’attachement porté à la référente et aux co-référentes ne sont pas de même nature quel que soit le mode d’accueil, tous les parents sont outillés et à même de faire pour leur enfant ce qu’il est bon de faire. Les professionnelles vont quant à elles s’interroger, se questionner, interpeller sur les actions et les actes engagés pour chaque enfant qu’elles accompagnent.
L’accueil va reposer essentiellement sur le langage et la mise en mots des situations et des échanges, (en ce sens nous avons inscrit la communication gestuelle pré-verbale comme outil d’échanges avec les enfants), c’est pour cela que le temps est un facteur clé, que l’adaptation qui est le temps d’accueil consacré à la rencontre entre un bébé, des parents et l’auxiliaire est une étape capitale pour que l’enfant accepte cette nouvelle personne, initiée par sa mère ou son père qui autorisent celle-ci à s’occuper de lui.
Il est donc essentiel que les personnels reconnus comme compétents à s’inscrire dans une relation et une communication soient perçus comme un ? supplément ? qui renforcera les parents dans leurs capacités et leur fonction.
Le projet pédagogique et éducatif, les réunions de pratiques professionnelles, les apports d’intervenants spécialisés, les salles aménagées : cuisine pédagogique, salle de jeux d’eau, salle de motricité, salle des livres, ludothèque, le partenariat engagé avec la bibliothèque, l’association Lire et Faire Lire, le Centre culturel pour des offres de sensibilisation, d’initiation et de découverte sont l’ensemble des moyens mis à disposition des professionnelles de l’enfance. Ces professionnelles de formation EJE, auxiliaires de puériculture, CAP Petite Enfance bénéficient de journées pédagogiques, de journées de formation avec différents organismes, de temps de réunion avec la psychologue ou la psychomotricienne sur l’analyse des pratiques et le suivi des enfants, de temps de réunion sur les caractéristiques de leur métier et exercent leur savoir faire avec implication et conscience des enjeux du métier.
C’est cette dynamique qui porte cette représentation de l’accueil au service des enfants et des familles. Le terme ? éducatif ? accolé à accueil n’est pas le centre de la démarche pédagogique et n’est pas l’objet premier de notre préoccupation, en effet un mode d’accueil participe d’un processus éducatif et n’a pas à revendiquer ce vocable pour être légitimé dans sa pertinence et son existence. Ce terme s’incarne plus à partir des valeurs transverses au projet éducatif : initiation, découverte, sensibilisation, plaisir de faire par soi-même, toute l’énergie sera de permettre à l’enfant de se centrer sur son activité propre et le déploiement de ses stratégies personnelles au bénéfice de la découverte de lui-même. Pas de programme, pas d’évaluation, pas d’enjeu d’acquis, pas de normes … Une grande attention est à porter sur ce glissement sémantique qui ferait que nous serions tirés peu à peu du côté du préscolaire (type le jardin d’éveil). Reste pour nous professionnelles à travailler encore et encore des pratiques de concertation et de décision collective et d’ouverture sur des pratiques réfléchies, renouvelées, inventives participant au développement des enfants.
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