Familles laïques, la revue nationale du CNFAL publie un dossier complet
Voici l'éditorial de Jean-Marie Bonnemayre que vous lirez ci-dessous.
Si vous souhaitez recevoir le dossier complet, envoyez un courriel à
familleslaiques.vlp@orange.fr
Un débat pas neutre politiquement
Par une certaine « mise en
condition » de l’opinion
publique, le débat sur la dépendance
ressemble au débat sur les
retraites et, chaque fois, la tournure
des solutions préconisées peut
rompre la solidarité et remettre en
cause les fondements de la protection
sociale telle qu’elle a été bâtie
entre 1946 et 1948.
La technique est la même : on brosse un
tableau très noir des évolutions démographiques
jusqu’en 2040 ou 2050 avec le « poids » des personnes
âgées et de la dépendance. A cela s’ajoutent les projections
de dépenses à assurer pour faire face à une
situation que l’on nous décrit comme inéluctable.
L’objectif étant à la fois de développer le recours sur
succession et les assurances privées par contribution
obligatoire. Tout est affaire de curseur. Le CNAFAL rappelle
qu’avant la création de l’allocation personnalisée
d’autonomie (APA), il existait la PSD, prestation
sociale dépendance ; celle-ci n’avait jamais eu que
100 000 bénéficiaires du fait que la récupération sur
succession était la règle. La plupart des personnes
âgées ne souhaitent pas que leur patrimoine unique,
leur maison familiale – fruit en général d’une vie de
labeur et d’épargne – puisse être vendue et leurs
enfants ou petits-enfants ne pas pouvoir en hériter.
Lorsque l’APA a été créée comme allocation universelle
par Paulette Guinchard-Kunstler, ministre socialiste
en 2000, immédiatement, le nombre de bénéficiaires
a bondi à 800 000 ! Aujourd’hui, nous sommes
à 1 000 000 de bénéficiaires dont 61 % vivent à leur
domicile, grâce notamment à l’APA qui permet de
financer les soins et les aides à domicile.
Pour les banques et les assurances privées,
les personnes âgées et la dépendance
deviennent un marché à prendre. Les actions financées
par les différentes aides aujourd’hui représentent
un marché de 21,5 milliards d’euros qui attire
toutes les convoitises, l’assurance maladie en assurant
presque 13 milliards, les départements 4,5 milliards
et la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie
à peu près 3 milliards. Si le recours aux
assurances privées et obligatoires s’effectue, c’est une
brèche sciemment ouverte dans la Sécurité sociale.
On connaît le projet des libéraux qui nous gouvernent
et qui consiste à réduire petit à petit les différentes
branches de la Sécurité sociale (famille, assurance
maladie, assurance vieillesse) à un socle de
base réservé aux plus bas revenus. Au-delà, les
mutuelles et les assurances privées entreraient en jeu
sur le modèle anglo-saxon. Or, un quart des Américains
n’ont pas d’assurance maladie, les fonds de
pension qui assurent les paiements des retraites ont
essuyé de telles pertes lors de la débâcle financière
de 2008 que des personnes de plus de 75 ans se sont
retrouvées ruinées ou se sont mises en quête de
petits boulots pour survivre. Veut-on cela ?
Bien sûr, on essaie de nous rassurer en nous indiquant
que le fonds assurantiel privé serait garanti par l’Etat.
Mais la Cades (Caisse d’amortissement de la dette
sociale), créée par Lionel Jospin pour gérer le déficit
de la Sécurité sociale (en l’abondant par l’argent des
privatisations), a essuyé de graves pertes sur les marchés
financiers : entre 6 et 8 milliards d’euros. Il n’y a
rien de garanti à partir du moment où ces fonds sont
placés sur les marchés : CQFD.
On nous dit aussi que le recours sur succession
ne pourrait toucher que les hauts
patrimoines. Soit ! Mais en bons laïques que nous
sommes, le CNAFAL a toujours été pour l’universalité
de la Sécurité sociale et c’est à la fiscalité de corriger
les inégalités et notamment les écarts de revenus. Surtout
à un moment où ceux-ci sont devenus colossaux.
En France, les 100 000 ménages les plus riches gagnent
plus de 500 000 euros par an et dans ces revenus un
petit tiers sous forme de salaires, un autre tiers provient
des plus-values mobilières. Ce sont les rentiers.
L’évasion fiscale des riches est évaluée à 40 milliards !
Les grandes multinationales françaises
sont moins imposées sur leurs plus-values que
les entreprises allemandes. Aujourd’hui, les bénéfices
des entreprises du CAC 40 sont supérieurs à ceux
d’avant la crise. Cherchez l’erreur. A travers le débat
sur la dépendance, c’est l’avenir de notre protection
sociale qui se joue. Et on rationne les financements
pour rationner les soins, notamment dans le champ
de la prévention qui est essentiel ! Or, la prévention
depuis une décennie est marginalisée : on a presque
liquidé la médecine du travail, la médecine scolaire.
La paupérisation massive fragilise la santé des
familles. Cependant, il est vrai que les pauvres ne
deviennent pas vieux… Telle est la quadrature du
cercle. Mais aussi apprenons aux gens à vieillir en
bonne santé. La mort se prépare tout comme on se
projette dans la vie. Le CNAFAL soutient d’ailleurs le
droit à mourir dans la dignité.