La République de Seine et Marne – 07-08-2013
Après un an de loyers impayés, on leur a coupé l’eau. C’est illégal. Mais ça dure depuis un mois. Dès le départ, l’affaire était mal embarquée.
Dernière mise à jour : 07/08/2013 à 16:05
Lorsque Sylvie, 35 ans, et Thomas, 29 ans, emménagent dans ce studio du n°8 rue du Général de Gaulle à Melun, ils sont déjà en situation difficile, ils viennent de se faire jeter de force à la porte de leur logement de Nangis par un groupe d’amis du locataire “officiel” et du propriétaire, dans une sombre histoire où on leur reproche de squatter alors qu’ils disposent aussi d’un bail (La Rep des 5 et 12 mars 2012). Une affaire déjà curieuse, surtout s’il s’avère qu’elle n’a pas eu de suite judiciaire.
C’est donc dans l’urgence, “on a pris ce qu’on trouvait de libre” confie Thomas, que le bail du studio de Melun est signé le 15 avril 2012. Loué 460 euros par mois, plus 10 euros d’avance sur charge d’eau, pour 20 m2 il n’en fait en réalité pas plus de 16, cabinet de toilette compris. Il n’y a pas d’APL, le logement n’est pas homologué. Quelques défauts sur les ouvertures sont mentionnés sur l’état des lieux. “Nous avons réclamé les travaux de réfection des défauts notés, ainsi que le certificat de surface (loi Carrez) et le certificat énergétique, mais nous n’avons rien obtenu”, précise Sylvie, très “branchée” sur les démarches et procédures. Les échanges verbaux entre les locataires et les représentants des propriétaires sont vite devenus difficiles. “Nous n’avions pas les moyens financiers d’agir en justice et de faire des constats d’huissier “, explique Sylvie.
Dans le même temps la situation financière du couple ne s’améliore pas , et si Thomas a toujours son CDI , Sylvie n’a pas été payée par ses employeurs. Les loyers impayés s’accumulent jusqu’à atteindre aujourd’hui environ 6300 euros de dette, soit plus d’un an. Une demande de logement social a été renouvelée le 21 mai. Un dossier de surendettement est sur le point d’être déposé.
Ce mardi 9 juillet, à l’occasion de la pose de compteurs divisionnaires, l’eau est coupée. Le commissariat de Melun refuse de prendre la plainte ou la déclaration du jeune couple. C’est la canicule, et Sylvie est sur le point d’accoucher, ce sera le 22 juillet. Le service CCAS de la mairie attribue le 16 juillet un “soutien ponctuel” de… vingt euros. Le couple obtient une visite du service hygiène et prévention de la mairie qui constate le 18 juillet que l’arrivée d’eau n’est pas raccordée et que la ventilation ne fonctionne pas ; les deux infractions sont précisées par courrier officiel au propriétaire avec obligation de rétablir l’eau “dans les plus brefs délais “, avant un mois.
Le 15 juillet, l’affaire est rendue publique sur le forum Internet Agoravox par l’Association familiale laïque (AFL), locale et nationale, qui multiplie les interventions, auprès des propriétaires, de la mairie, de la préfecture, envoie un courrier à la ministre du Logement. Rien ne change. L’AFL renouvelle ses protestations, souligne l’illégalité de la coupure d’eau, et réclame pour le couple un logement social en urgence. Un argument de plus est que le service social de l’hôpital de Melun a fait savoir qu’il refusera à la sortie de couveuse de laisser à Sylvie son bébé, né prématuré, prenant sans doute en compte l’absence d’eau et l’inadaptation du studio avec le nouveau né. La présence de deux chiens de bonne taille n’arrangeant pas les choses.
La préfecture nous répondait lundi que le jeune couple était parmi les prioritaires pour l’attribution d’un logement, et soulignait que la mairie allait envoyer au propriétaire une nouvelle mise en demeure de rétablir l’eau, sous menace que les travaux soient exécutés d’office à ses frais.
L’AFL, de son côté multiplie les interventions et s’étonne de l’incapacité ou du manque de volonté des différents pouvoirs publics de régler en urgence ce problème de relogement.
Depuis, c’est aussi le très médiatique comité national « Droit au logement » qui met désormais l’affaire en exergue.
C’est seulement la semaine dernière que le couple a reçu l’avis d’huissier d’injonction de payer, premier pas vers la procédure d’expulsion.
” Ce que nous voulons, c’est qu’ils partent, nous a répondu l’épouse et associée du gérant de la SCI propriétaire, nous avons fait confiance et nous avons été trompés ». Et que penser de la coupure d’eau qui est illégale ? “Cela je ne veux pas l’entendre, nous répond-elle encore, ce qui est illégal c’est de ne pas payer son loyer. Il y a eu des travaux, s’il y a eu un problème technique avec l’eau, qu’on n’attende pas de nous qu’on lève le petit doigt. Nous voulons qu’ils partent”.
C’est aussi aujourd’hui ce que souhaitent Thomas et Sylvie, sachant qu’ils devront sans doute se séparer de leurs chiens pour faciliter leur relogement. Mais leur priorité est de mieux se loger pour récupérer leur enfant, qu’ils ont prénommé Noé. Leur dossier devrait être examiné à la prochaine commission d’attribution de logements de Melun.
Didier BARRY
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