Nous avons rencontré dans le cadre de nos permanences "surendettement" des femmes ayant subi des violences.
Voici là un texte écrit par une de nos bénévoles.
VIOLENCES FAITES AUX FEMMES : UNE LOI DANS LE VENT ?
Il ne suffit pas de voter une loi, encore faut-il mettre les moyens pour la faire appliquer (investissement, formation du personnel chargé de la mise en œuvre, fonctionnement, etc). La loi du 9 juillet 2010 destinée à protéger les femmes victimes de violences, sonne creux. Réclamée depuis longtemps par les associations féministes, cette loi permet d'accorder une ordonnance de protection aux femmes victimes de violences. Ainsi, en cas de violence conjugale, le juge peut ordonner en urgence au conjoint violent de quitter le domicile ou, si la femme préfère déménager, lui trouver une solution de relogement. Par ailleurs, la loi élargit la définition de violence conjugale, en incluant les violences psychologiques et les différentes formes de harcèlement. Seulement, un an après sa promulgation, le personnel chargé de son application, notamment les policiers et les fonctionnaires de tribunaux n'a toujours pas été formé. Quant aux moyens, loin de progresser, il se réduisent à peau de chagrin. Ainsi, les centres d'accueil chargé d'accueillir les femmes fuyant les violences, ferment les un après les autres, faute de moyens. Ceci signifie qu'une femme quittant son domicile où elle est menacée, n'a souvent d'autres solutions que la rue.
Le samedi 9 juillet dernier, jour anniversaire de, cette loi, une délégation a été reçue par une conseillère du ministre de la justice, tandis qu'un rassemblement était organisé place Vendôme. Rassemblement symbolique, puisque seule une soixantaine de personnes était présente.
Pendant que les déléguées étaient reçues, des militantes et travailleuses sociales prenaient la parole, et apportaient des témoignages édifiants, comme celui d'une ancienne prostituée qui arrivait du Sud de la France avec ses deux enfants en bas âges, et que les services publics refusaient de prendre en charge car elle n'était pas de la région parisienne.
Quand aucune solution d'hébergement n'est trouvée, il arrive de plus en plus souvent que les enfants soient purement et simplement retirés à leur mère, qui elle, reste dans la rue, venant grossir le rang des SDF.
On estime qu'en France, une femme sur 10 est victime, à des degrés divers, de violence conjugale. Parmi elles, certaines sont en danger de mort.
Le départ du domicile conjugal est rarement préparé, mais se fait le plus souvent dans l’urgence, parfois en compagnie de ses enfants. Beaucoup de femmes ne savent pas où aller. La famille en effet n’offre pas toujours de refuge fiable, puisque c’est là que le conjoint violent viendra la chercher en premier lieu. Il arrive aussi que la femme ait rompu avec sa famille, souvent par honte ou parce que son mari ne souhaitait pas qu’elle la fréquente.
Parmi ces femmes en fuite, certaines sont en danger de mort et sont obligées de quitter leur ville, leur attache et leur travail pour se mettre à l’abri. C’est une épreuve extrêmement difficile, comparable à celle que vivent les réfugiés politiques qui fuient les persécutions ou les guerres dans leur pays d’origine. Ces femmes ont besoin d’être accueillies, protégées et écoutées. Elles doivent êtres hébergées et bénéficier d’un accompagnement pour retrouver un travail (le moyen de leur indépendance économique), ainsi que d’une écoute psychologique pour se reconstruire. Parfois, elles ont des soucis de santé et doivent être prises en charge par des hôpitaux. Pourtant beaucoup de structures de soin refusent elles aussi de prendre en charge les femmes qui ne sont pas domiciliées dans leur ville, faute de places.
Tant que des moyens ne seront pas apportés, cette loi restera aussi vide de sens qu’elle l’est actuellement. Or, les violences conjugales constituent un véritable enjeu de santé publique, puisque les effets sanitaires, sont considérables : blessures diverses pouvant conduire à l’invalidité, fausses couches, absentéisme, accident du travail (une personne en souffrance, ayant une moins bonne concentration), consommation de psychotropes, addictions diverses, sans parler de l’impact sur les enfants (échecs scolaires, mal-être, apprentissage de la violence, etc.)
La violence faite aux femmes mobilise peu, qu’il s’agisse des pouvoirs publics ou des citoyens. Elle est trop souvent considérée comme une affaire privée. Quand notre amie, notre voisine, notre collègue ou notre sœur est victime de violence, souvent, nous ne voulons rien voir, à fortiori quand la victime fait partie de notre famille, et encore plus de notre belle-famille. De plus, nous avons trop souvent dans notre esprit le stéréotype de la « femme battue idéale », celle qui quitte son compagnon au premier coup dont elle est victime et qui refait sa vie aussi vite qu’elle est partie. Or généralement, elle met des mois, voire des années à réagir, et quand elle le fait, elle est souvent déjà détruite psychologiquement, au point d’avoir fait le vide autour de ses relations familiales et amicales, voire d’avoir perdu son travail. Parfois elle se replie sur elle même, est incapable de prendre des décisions, il arrive qu’elle ait des pratiques addictives pour mieux « supporter » sa souffrance. De plus, il est rare qu’elle quitte définitivement son conjoint violent : souvent, il y a un retour au foyer, par parce qu’elle « aime ça », mais parce que son compagnon qu’elle aime encore lui a promis de changer, parce qu’elle a peur de déstabiliser ses enfants en divorçant, parce qu’elle manque de moyens, parce qu’elle craint de devoir perdre sa maison et son travail et tout recommencer à zéro. Enfin, elle ne souhaite pas forcément porter plainte, ce qui peut paraître incompréhensible, même quand elle en indique ses raisons, comme par exemple la peur que le père de ses enfants soit menotté devant eux et aille en prison. C’est sur ces questions hautement problématiques que les structures chargées de mettre en place les ordonnances de protection des femmes victimes de violences, doivent être formées, sous peine de ne pas avoir l’efficacité escomptée.
Nous, associations, travailleurs sociaux ou simples citoyens, devons maintenir la pression pour que cette loi puisse réellement être appliquée.
Samedi dernier, nous nous sommes donné rendez-vous pour une autre action le 5 novembre prochain, espérons qu’elle mobilisera cette fois-ci.
Aline