Voici un texte écrit par Julien Guérin, vice-président de l'AFL de Melun
Julien est professeur d'Histoire.
Il habite à Vaux le Pénil
Le 31 juillet 1914 tombait Jean Jaurès
100 plus tard reprendre le flambeau !
Colloques, publications, expositions, spectacles c’est à un foisonnement d’initiatives auquel on a assisté depuis quelques semaines pour le centième anniversaire de la mort de Jean Jaurès le 31 juillet 1914. L’homme de l’unité socialiste, l’orateur pacifiste, le brillant intellectuel, le député défendant avec fougue les droits sociaux ou la laïcité est tombé il y a 100 ans jour pour jour. Première victime de la guerre de 14, Jaurès demeure une référence pour nos combats actuels.
Du républicanisme au socialisme
Jaurès est né en septembre 1859 à Castres dans le Tarn. Il est un brillant étudiant qui va s’élever grâce à l’école de la République. Normalien, agrégé de philosophie en 1882, Jaurès défendra toute sa vie une éducation laïque qui assure l’émancipation du peuple. Très tôt saisi par le virus politique, il se présente à la députation en 1885 et est élu sur une liste républicaine. Bien que déjà sensible à la question sociale, Jaurès n’est pas encore formellement socialiste. Battu aux législatives de 1889, le jeune Jaurès redevient professeur à l’université de Toulouse et écrit des articles pour la Dépêche. En 1890, il est élu maire adjoint de la ville rose, il est chargé des questions scolaires. Il œuvre à la construction d’écoles élémentaires laïques. C’est en 1892-1893 que se situe le grand tournant dans l’itinéraire de Jaurès. À Carmaux, ville minière où le marquis de Solage règne en maître, un ouvrier nommé Calvignac est élu maire. Prenant prétexte de ses absences, le marquis, patron tout-puissant des mines, le licencie. Les ouvriers se mettent alors en grève et font appel à Jaurès pour les soutenir. Il écrit des articles en faveur de la grève, pour la réintégration de Calvignac et se rend sur place à plusieurs reprises. Calvignac a finalement gain de cause, Solage se sent humilié, démissionne de son poste de député et provoque donc une législative partielle. Le contact avec les mineurs en grève, les échanges avec les socialistes de Carmaux ont une influence profonde sur Jaurès. Candidat à la partielle il est élu député en janvier 1893.
La République sociale sur tous les fronts et l’unité !
C’est un autre homme qui revient à la chambre des députés, il est fréquemment appelé par des ouvriers en grève et multiplie les interventions sur les questions sociales. Il opère une synthèse originale entre la pensée marxiste et l’héritage républicain. Il est en faveur de la collectivisation des moyens de production, mais reste attaché à la république émancipatrice issue de 1789 et 1793. En 1898-1899, Jaurès s’engage en faveur de Dreyfus et publie un ouvrage intitulé « Les preuves » où il démontre l’innocence du capitaine. La gauche est alors très divisée. Deux partis socialistes polémiquent ardemment : le PSF, dirigé par Jaurès défendant la participation à un gouvernement bourgeois si la République est menacée, et le PS de France de Guesde qui s’y oppose. C’est l’Internationale socialiste qui, lors du congrès d’Amsterdam en 1904, pousse à l’unité qui se réalise enfin en avril 1905 avec la constitution de la Section française de l’Internationale ouvrière (SFIO). Toujours en 1905, Jaurès prononce un vibrant plaidoyer pour la laïcité et en faveur de la loi de Séparation de l’Église et de l’État. Il a aussi lancé le journal L’Humanité en 1904. Il défend la mise en place de retraites solidaires à 60 ans, la journée de huit heures et l’abolition de la peine de mort.
Pacifisme et internationalisme
A partir des années 1909-1910, il oriente son action vers la défense de la paix menacée par les impérialismes qui s’affrontent. De congrès en congrès, Jaurès défend l’idée de la grève générale ouvrière internationalement organisée pour repousser toute menace de guerre. En 1913, la SFIO organise une vigoureuse campagne contre la loi des trois ans qui rallonge d’un an le service militaire. Les bruits de bottes de sont de plus en plus assourdissants et Jaurès tempête contre le capitalisme « qui porte en lui la guerre comme la nuée porte l’orage ». La droite l’accuse d’être vendu à l’Allemagne. Ces campagnes nationalistes vont fournir les armes idéologiques aux assassins du grand Jean. En juin 1914, l’escalade militaire qui fait suite à l’assassinat de l’héritier du trône d’Autriche-Hongrie conduit l’Europe à la boucherie. Jaurès tente jusqu’au bout d’éviter la guerre. L’espoir est mince, mais Jaurès se démène tout au long du mois de juillet. Alors qu’il dîne avec ses proches au café du Croissant à Paris, il est abattu par le nationaliste Raoul Villain, le 31 juillet au soir. Celui qui apparaissait comme le dernier rempart face à la guerre venait de tomber, précipitant le honteux ralliement des socialistes français et allemands à « l’Union sacrée » derrière leurs gouvernements respectifs…
Nous ne voulons cependant pas faire de ce centième anniversaire la simple commémoration posthume d’un Jaurès muséifié et rangé au rayon des idoles d’un passé glorieux mais révolu. Au contraire, demeurer fidèle à l’héritage jaurésien, c’est rependre ses grands combats. Cela signifie concrètement :
- lutter pour un projet radical de transformation sociale
- œuvrer à l’émergence d’une VIe République permettant la pleine expression de la souveraineté populaire
- défendre les droits des salariés (salaires, retraites, code du travail) pour que la démocratie ne s’arrête plus devant la porte des entreprises et se battre pour le droit au logement pour tous
- refonder une école émancipatrice et laïque assurant l’application effective du principe « les fonds publics à la seule école de la république »
- défendre une Europe des peuples et non l’actuelle Europe de la concurrence acharnée jetant les travailleurs les uns contre les autres
- reprendre le combat internationaliste et pacifiste pour construire un autre monde débarrassé des impérialismes de tout poil. A l’heure où la population de Gaza est écrasée sous les bombes, cette lutte n’a rien perdu de son actualité.
Alors cent ans après, célébrons Jaurès au café du Croissant à Paris et faisons vivre sa pensée au quotidien !
Julien GUERIN
Jaurès sera à l’honneur en octobre 2014 à Vaux le Pénil avec plusieurs initiatives :
- Le mardi 7 octobre aura lieu une conférence au petit théâtre de la Ferme des Jeux sur Jaurès avec Jean-Numa Ducange, maitre de conférences à l’Université de Rouen
- Un spectacle de 50 minutes sur Jaurès imaginé par Jean-Christophe PAGES sera joué le 9 ou 10 octobre en destination des trois classes du lycée Simone Signoret.
- Notre salon littéraire du dimanche 12 octobre sera marqué par deux temps forts autour de Jaurès : le déjeuner-débat organisé par Familles laïques et l’Association de la Ferme des Jeux à l’Artiste avec Pierre CLAVILIER (historien et auteur de l’ouvrage Jaurès, un éveilleur de conscience), tandis que le spectacle de Jean-Christophe sera rejoué à 15 h 30 au petit théâtre.