« Jeanne, le pardon »
roman de Gisèle Leconte
éditions Persée
1er trimestre 2011
317 pages
20 €
Une force qui vient de loin !
L'auteure nous transporte dans le passé d'une France rurale frappée de plein fouet par cette guerre inexorable, dévoreuse d'hommes qui a déferlé sur la France, il y a bientôt un siècle.
La morale de ces hommes de labeur qui vivent de la terre est rigide et la femme est bien souvent reléguée à la dernière place...
Les pères choisissent le mari de leur fille , tout cela dans un cadre pré établi accepté de tous ou toléré.
Jeanne, la farouche n'a pas bien commencé son existence.
Violée par un inconnu, devenue fille mère, elle est reléguée aux tâches domestiques sans le droit de contester sa condition par un père qui n'a d'yeux et de considération que pour ses deux fils qui travaillent avec lui la terre maraîchère dans le nord de la France....
Il lui faut prendre mari et elle n'a pas le choix :
« Henri était un rêveur, un homme des bois, un paysan pétri de l'odeur des mottes, de la fraîcheur des rives, de la senteur des pluies. »
Un équilibre commence à s'installer et la naissance d'André semble ouvrir une nouvelle ère dans un couple où s'installe une certaine forme d'affection...Mais voilà que la guerre éclate avec le départ des hommes vers le front et l'invasion de la région par l'armée allemande.
Pour les hommes, c'est la guerre brutale, féroce, celle où l'issue individuelle, c'est la mort, l'infirmité ou une blessure psychologique qui meurtrit.
Pour les femmes et les enfants, c'est l'exil, le saut dans l'inconnu avec dévouement et abnégation.
Ce roman est un témoignage poignant, passionnant, fruit d'une recherche généalogique et historique.
J'ai découvert les faces cachées ou ignorées du grand public de cette grande guerre, où la solidarité côtoyait une certaine forme de racisme.
L'auteure ne se contente pas de raconter une histoire humaine et sociale, elle décrit avec goût des régions, des villages .
Le féminisme est bien présent et de nombreuses femmes se poseront la question essentielle juste après la guerre :
« Faudrait-il apprendre à obéir, à s'effacer, à se taire, à se soumettre? Leur lendemain s'inscrivait-il dans l'ombre d'une société où leur destin leur échapperait? »
Jean-François Chalot
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L’article de JF Chalot me va droit au coeur. En premier lieu, à mon coeur d’enfant, en tant que petite-fille de Jeanne, à mon coeur de femme, en tant que femme, observant, cherchant à comprendre, vivant mon statut de femme dans cette société d’aujourd’hui née des fruits du passé, un passé bien douloureux si l’on s’en tient à l’époque décrite. Cependant ce qui me touche beaucoup c’est la force que ces hommes, ces femmes, ces enfants ont trouvé pour puiser toujours à la source de la Vie, pour grandir, se transformer, se recomposer, au fil de l’évolution de leurs pensées et ressentis, tant affectifs qu’idéologiques. Des hommes et femmes pris dans leur identité d’individu et de citoyen, je crois, qu’inconsciemment c’est ce que mes mains ont voulu écrire au travers de ce récit. Nos vies affectives, nos vies d’amour,nos vies familiales, nos vies économiques, confrontées à l’organisation globale de la société, et/ou complices avec nos intimes convictions socio-politiques, nos petites vies brassées par des décisions qui tracent l’Histoire et face auxquelles on ressent souvent de l’ impuissance mais toujours du courage, pour dépasser les obstacles, en s’octroyant, à tout le moins, un espoir de survie, et au mieux, un espoir de bonheur !.
Je suis touchée par votre article, Monsieur Chalot, car souvent je dis "Jeanne, le pardon, c’est un récit de femme, qui touche le coeur des femmes", non pas que je sois sexiste, même si très attentive au sort des femmes, et que l’objet de mon récit éclaire particulièrement la vie d’une femme, mais parce que je constate que c’est plutôt majoritairement les femmes qui lisent mon roman. Cependant mon récit fait vivre aussi une fresque d’hommes, du plus tendre au plus dur, du plus ouvert au plus rigide.Ce qui m’a beaucoup touchée et interpellée, c’est que, quelles que furent leurs convictions morales ou politico-sociales, ils ont été tellement broyés... Et cette souffrance , des uns, unes et autres est éternelle dans le flot de l’Histoire. Moi qui appartient à cette génération dont la jeunesse a souffert de peu, n’étaient les affres d’une opulence dévastatrice..., je suis admirative de leur bravoure et de leur persévérance à vouloir façonner une vie meilleure et un monde plus fraternel...
Vous indiquez ma présence au salon de Vaux le Penil, le 14 octobre 2012. Participer à des rencontres dédicaces en librairie ou à des salons est toujours pour moi un intense moment d’échange émotionnel avec lecteurs et lectrices. Le sujet de Jeanne le pardon déclenche souvent un retour aux racines, un regard sur sa propre histoire familiale, régionale, globale, qui représente cette richesse de l’unicité et du tout indissociable de notre histoire composant l’Histoire. Gisèle Leconte, auteure de leanne le pardon.