porte-parole des « Sans Rien »
"j’ai rencontre des laïques chaleureux et solidaires"
mardi 1er juillet 2008, par Pierre Cassen
Riposte Laïque : Peux-tu d’abord expliquer à nos lecteurs ce que sont les « Sans Rien », quelle est leur histoire, et quels sont les objectifs de ton association ?
Les « SansRien » sont nés en 2000, c’est un réseau de résistance, qui fonctionne sur le même schéma que les réseaux de résistance pendant la guerre, nous sommes plus de 3000 résistants sur le territoire français, les « SansRien » ont été repris dans la même forme, en Espagne et en Belgique, nous sommes aussi ONG en Afrique (Benin, Centre Afrique et Togo) où là la priorité est l’éducation, permettre aux enfants d’étudier et de travailler dans leur pays de naissance, sans avoir besoin de s’expatrier pour survivre.
Ce réseau africain fonctionne sous forme de parrainage, une personne prend en charge un enfant, et assume les frais scolaire de cet enfant, du collège à la faculté, en matière de livre et fourniture scolaire.
L’enfant et sa famille entretiennent par mail ou courrier postal des liens étroits avec le parrain (ou marraine) ; il y a un engagement de part et d’autre à tout faire pour soutenir l’enfant dans sa scolarité, tous les enfants sont issus de famille pauvre, chaque étudiant s’engage à rester exercer dans son pays. Au début nous n’étions qu’un réseau de mise en relation, pour tenter de réduire au minimum les délais d’intervention, sachant qu’en matière de précarité il faut toujours agir dans l’urgence.
Puis, nous avons fait le constat, que notre action ne servait à rien, ou pas à grand-chose, car les problèmes revenaient sans cesse, d’une manière récurrente, et que notre tribu voyait arriver une cohorte de travailleurs précaires, de malades et d’handicapés ; nous sommes donc entrés en lutte, en devenant revendicatifs, en nous montrant et en dénonçant ce gouvernement, qui se révélait incapable de respecter nos droits constitutionnels, de même ceux inscrits dans la déclaration des droits de l’homme.
Certes nous avons perdu dans ce changement de voie (ou voix) plusieurs centaines de « résistants » mais ceux qui sont restés, étaient déterminés à entrer en lute, pour faire reculer la misére et la précarité, et obliger l’état à respecter nos droits de citoyen.
Riposte Laïque : Tu as fait un Tour de France, qui a démarré à Bordeaux, le 9 juin, et s’est terminé dans les Yvelines, le 24 juin. Tu as été accueillie, et soutenue, par quelques associations, dont des laïques. Peux-tu nous faire un premier bilan de ce Tour de France ?
Nous sommes partis, de Bordeaux, avec des objectifs de fous, réunir, fédérer, personne n’y croyait vraiment, personne non, pas personne, un certain Christian Gaudray, de Cestas, qui dès le départ nous a poussés, et qui malgré le manque de temps évident, à dit "on y va, faut le faire, c’est un beau projet".
Alors grâce à tous, la bande de Pau, une "UFAL" tout jeune ; mais alors très, non TRES déterminée, des "laïques-humanistes-militants-résistants", et puis une Suzy Candido, à Toulouse, étonnante petite bonne femme, militante surdouée, et bourrée d’énergie. Elle a épousé notre cause à bras le corps. Et puis Marseille, avec votre collaboratrice Brigitte Bré Bayle, et Phillipe, dans les locaux d’ATD Quart monde, une soirée riche de contact et d’engagements.
Et puis Dijon avec Jacques Delemontez, merci à toi Jacques, à ta femme aussi, là encore de vraies relations, de vrais engagements, la laïcité, celle qu’on aime, solidaire et tolérante, révoltée et résistante. Strasbourg avec Thierry Kopernik, une rencontre rare, avec quelqun de rare, puis ce fut Metz et Jean Paul Wagner, et ATD Quart monde, pour un débat animé, et puis Rennes avec Raphaël, un Raphaël malade, mais qui à tout donné pour la réussite d’une soirée, qui fut réussite.
Et puis la région parisienne avec le suractif passionné et engagé Jean-François Chalot et Patrice Theveny, là ce fut la folie, concert, (merci ALex) débat, élus, associations, tous là, pour la même cause, tous solidaires et convaincus. Vaux le Pénil, un peu à l’image du village gaulois d'Astérix, insoumise, ... et Paris et Horia (une grande femme brune qui a une grosse colère contre les islamistes), un débat dans un troquet ou j’ai presque touché mes limites d’argumentation avec un adjoint au maire, puis Morsang, une étape forte, et pour finir Mante la Jolie.
Une ballade avec Hayet Morillon, dans sa mairie, puis sur un grand marché, et puis plus tard, une belle rencontre avec toi, Pierre, et Rosa Valentini, et un témoignage, fort et beau, sur une histoire de CAT, menacé puis sauvé. Enfin, un dernier repas, avec Colette et Christian, qui m’ont accompagnée lors de ce tour de France, sur la péniche de Christophe et Nadia, quartier général de l’Ufal des Yvelines.
Toutes les étapes sont racontées sur notre site, et si les personnes citées, veulent y rajouter leurs « pates » elles sont les bienvenues.
Jamais je n’oublierai, c’est le carburant qu’il me fallait, vous êtes tous, les amis qu’il nous fallait, ceux avec qui nous allons marcher, nous tenir, droit et digne, et avec qui nous nous battrons, merci à tous de votre engagement, merci d’y croire, et d’être assez fous pour vous associer à notre détermination, faire reculer la misère et la précarité, et exiger le respect de nos droits de citoyen
Ce tour de France aura marqué le début de quelque chose, sur chaque étape, aidé par des laïques engagés (parfois enragés) qu’ils soient de l’Ufal ou pas (ou plus) nous avons réuni des associations, comme ATD Quart Monde, présent depuis le début, avec nous, et CREER association d’aide aux chômeurs et précaires, Nouveau souffle que nous avons rapproché de CREER, car ils avaient les mêmes objectifs, AC ! agir contre le chômage, AIRSS association de lutte contre les maladies orphelines (plus particulièrement, le syndrome de SAPHO), Handi Social qui aide les personnes malades et handicapées à se sortir de la complexité administrative, entre autre, et puis aussi un collectif SDF, et puis un autre collectif de SansPapiers, des militants de RESF, tous, ont rejoint notre idée, entrer en lutte, exiger, tous ont décidé de travailler ensemble à cette construction, tous se reconnaissent comme « résistants ».
Nous avons pris la mesure de notre force, de notre nombre, nous avons réappris avec délice le sens du mot SOLIDARITE. Nous avons pris des leçons de courage et de dignité, avec les SDF de Strasbourg, nous avons écouté leur colère, leur impression d’avoir été manipulés par les « Don Quichottes », car la plus grande partie d’entre eux, sont repartis à la rue, dans l’indifférence quasi générale.
L’hiver prochain, il y aura d’autre tentes, ils iront, c’est comme une « pause » disent-ils des « vacances », des duvets propres, de quoi manger, mais on attendra rien de plus, car il n’y aura rien de plus. Partout nous avons rencontré des gens debout, ils sont prêts à l’action, ils nous encouragent, et nous disent de ne pas baisser les bras, ils sont avec nous, nous sommes rentrés, mais tout commence, il faut organiser, rassembler, informer et se montrer, être présent partout et se montrer, La date du 17 Octobre, doit réunir dans la rue, des millions de gens, en lutte contre la misère et la précarité, nous allons gueuler fort, plus fort en encore plus fort, avec vous, avec eux.
Riposte Laïque : Les laïques et les républicains craignent que la conception libérale du gouvernement n’amène les associations religieuses à se substituer aux défaillances sociales de l’Etat, comme cela est souvent le cas dans des pays anglo-saxons ? Les « Sans Rien » sont-ils sensibles à cette question ?
Bien sûr, mais dans beaucoup de cités, l’aide que reçoivent les gens, vient de ces associations religieuses, il n’y a rien d’autre, c’est normal, aucune autre alternative, l’Etat s’est désengagé des questions de la précarité, alors forcément, c’est dangereux, car la précarité affaiblit, et l’assistanat, n’apporte rien. C’est humiliant et les gens finissent par perdre la notion même de la dignité, de la citoyenneté, c’est pourquoi il est important d’être présent, il suffit parfois de parler, il suffit parfois de demander une réciprocité, par exemple, une personne vient demander une aide pour faire une demande de FSL (fond de solidarité logement), il la reçoit, mais en parlant avec lui on s’aperçoit que cette personne aime bricoler, alors on lui demande de prendre un peu de temps pour animer un atelier pour aider des gamin à réparer eux même leur vélo, ce n’est qu’un exemple, applicable à plein de situations, et là, plus la peine de parler de réinsertion, elle va de soit, idem pour la solidarité, le respect de l’individu et la ré-appropriation de son rôle de citoyen.
Riposte Laïque : Comment vous situez-vous, politiquement ? Etes-vous prêts à travailler avec tout le monde, ou bien vous cantonnez-vous au soutien du mouvement social et des partis de gauche ?
Alors là, je n’en sais rien, personnellement à gauche c’est sûr, disons, que je suis pour une société juste et solidaire, qui prend soin des plus faibles, une société qui partagerait les richesses, pas la misère ! Un Etat laïque ou chacun aurait la liberté de ses opinions et de ses croyances, alors si vous connaissez une famille politique qui tient compte de tout cela, j’adhère tout de suite. En ce qui concerne le réseau, toute personne qui s’engage dans cette lutte et entre en résistance à nos côtés, est la bienvenue, seuls sont demandés, les noms, prénoms,contacts, et ville, le nom n’est même pas obligatoire, et le prénom peut être un pseudo, seules obligations la ville de résidence et un contact, pour pouvoir être "alerté" et mobilisé très vite si besoin.
Riposte Laïque : Quels sont les premiers enseignements que vous tirez de votre Tour de France ?
Ensemble, tout est possible, nos revendications ne sont pas utopiques, elles sont légitimes, c’était évident partout, même chez des politiques de droite ; c’est dire !
Notre lutte est humaniste, elle vise à remettre l’humain au centre de tout, il faut que la lutte contre la précarité devienne une cause nationale.
Riposte Laïque : Une fois qu’on a fait les premiers bilans, il faut parler perspectives. Comment voyez-vous la suite ?
La lutte, toujours et encore, Le 17 octobre, bien sûr, mais aussi afin de préparer cette journée, mettre en place, avec vous, plein d’interventions, de petites actions locales, partout en France, être le poil à gratter du gouvernement, qu’ils se grattent jusqu’à enlever cette espéce de crasse anti-sociale, en qu’enfin, ils nous écoutent, il serait grand temps, tant qu’il est temps.
Propos recueillis par Pierre Cassen