Allocution, au nom de la Municipalité, de Colette LLECH, Maire-Ajointe
Comme cela est désormais bien connu, la Loi du 14/04/1954 adoptée à l’unanimité a fixé au dernier dimanche d’avril la journée d’hommage aux victimes et héros de la déportation honorant ensemble et commémorant à la même date toutes les victimes de la déportation qu’elle ait été de répression ou génocidaire.
Cet hommage devient d’autant plus nécessaire que les rescapés disparaissant, le souvenir en s’estompant peut favoriser la confusion avec la multiplication des manifestations mémorielles
Le rappel de l’Histoire s’impose encore davantage afin de tenter de comprendre ce que fut cette période proche, même si elle semble lointaine, car les menaces sur notre démocratie, sur nos libertés n’ont totalement disparu malgré le masque qui les camoufle le plus souvent.
On ne peut et on ne doit pas oublier qu’avec quelques autres militants, bien peu nombreux à cette date, 2 habitants de Vaux le Pénil : Roger Beuve et Lucien Gantier ont distribué des tracts pour appeler la population pénivauxoise à la lucidité sur l’occupation nazie et à la lutte. Roger Beuve né à Melun habitait dans la rue appelée aujourd’hui rue des Belles Vues, Lucien Gantier venu de Normandie avec sa famille avait fréquenté l’école primaire à Vaux et demeurait rue des Egrefins. Ils étaient adhérents du parti communiste clandestin pourchassé avec efficacité par la police allemande appuyée par la gendarmerie française. Leur groupe avait déjà été décimé : 5 militants fusillés, puis 3 autres à la Glandée près de Dammarie, pendant l’hiver 41. Mais il fallait continuer malgré les risques de plus en plus grands: vivre dans la peur des dénonciations, de l’arrestation, des tortures et de l’exécution.
Car l’ordre nouveau s’était étendu très vite sur la France vaincue, divisée entre zone occupée et France de Vichy où on était trop heureux, d’effacer avec la Révolution nationale à l’initiative de Pétain, tout ce qui restait du Front Populaire et de complaire à l’occupant : mise en congé des Assemblées, suppression des élections, de la liberté de la presse et de toute vie démocratique.
Moins de 10 ans auparavant: en Allemagne, Hitler avait gagné les élections de janvier 1933, grâce à une abstention massive et accédait au pouvoir. Le régime nazi mettait aussitôt en place son vrai programme : l’ordre nouveau. Dès le mois de mars ouvraient les premiers camps de concentration dans les banlieues de Munich et de Berlin pour enfermer dans des conditions inhumaines tous les opposants allemands : députés ou adhérents du parti communiste et du parti socialiste, syndicalistes, intellectuels et ministres des cultes. Et très rapidement la persécution des Juifs devenait une priorité absolue
En France occupée, la chasse aux résistants, les arrestations et les premières déportations de Juifs avaient commencé très vite, comme en Allemagne.
Ces 2 jeunes gens, 28 ans pour l’un et 18 ans pour l’autre avaient été vus. Arrêtés par la gendarmerie le 19 avril 1942, ils sont d’abord transférés à Melun avec 3 autres camarades dont Marcel Petit alors âgé de 16 ans, puis à Fresnes et enfin en Allemagne. Envoyés dans différents camps de concentration, jugés par le tribunal de Breslau ils sont décapités à la hache le 11 août 1944 avec 11 autres condamnés.
Ils ne sont pas revenus, tout comme Rémi Dumoncel, maire d’Avon, arrêté et déporté en mai 44 avec 3 élus, après son secrétaire de mairie Paul Mathéry arrêté lui le 15 janvier 44.
En S et Marne, des dizaines de résistants, de Juifs ont été déportés, peu de rescapés ont survécu à l’enfer des camps et les recherches ne sont pas encore terminées pour établir un document exhaustif et fiable. Mais y figure déjà et il ne faudrait pas l’oublier, Albert Rogiez, restaurateur, originaire d’Arras, installé route de Chartrettes, qui faisait partie du réseau « ceux de la Libération ». Arrêté le 10 janvier 1944 il est déporté à Buchenwald, puis Mathausen, enfin Ebensee dont il a pu revenir vivant le 6 mai 1945
C’est pourquoi aujourd’hui dans un contexte particulièrement préoccupant : un hommage ne peut suffire ! Leur sacrifice pour que nous puissions recouvrer la liberté, les libertés doit être notre aiguillon pour refuser l’oubli et l’inquiétante banalisation de propos démagogiques et xénophobes
Les luttes résistantes d’hier ont permis de sortir d’une des périodes parmi les plus sombres de notre histoire, nous devons aujourd’hui plus que jamais nous rassembler autour de l’héritage du Conseil national de la Résistance pour un monde plus humain, plus solidaire, plus juste et plus fraternel
S’il ne faut pas oublier de saluer la belle réussite des élèves du collège de Vaux qui viennent d’obtenir une récompense départementale aux épreuves du Concours de la Résistance et de la Déportation, je reprendrai la conclusion de P.Carassus, énoncée ici même, le 27 avril 2002 : « Pour que le sacrifice de Roger Beuve et Lucien Gantier puisse être une invitation permanente à porter haut et fort les valeurs de notre République, il faut faire barrage à la candidature de tous les extrémismes et se souvenir que le nazisme a d’abord respecté le processus électoral ».