Colloque Familles Laïque
14 Novembre 2015
Intervention de Christian Delecourt - Sociologue
LE SURENDETTEMENT : ETAT DES LIEUX
Définition
Le surendettement est la situation dans laquelle se trouvent des personnes physiques dont la situation est caractérisée par l’impossibilité manifeste pour le débiteur de bonne foi de faire face à l’ensemble de ses dettes non professionnelles exigibles et à échoir.
Notamment :
échéances de prêt immobilier non payées,
échéances de prêts à la consommation non remboursés,
impayés de loyers,
arriérés d'impôts sur le revenu...
Il convient par ailleurs d'être de bonne foi au moment de la saisine :
ne pas avoir organisé l’insolvabilité,
être sincère dans les déclarations.
LE SURENDETTEMENT : ETAT DES LIEUX
Etat des lieux au plan national
(année 2014 - chiffres arrondis)
231.000 demandes et 206.000 dossiers recevables
En cinq ans on est passé de 182.000 dossiers recevables à 206.000 soit une progression d’un peu plus de 13 % sans pour autant qu’il y ait une progression annuelle constante
Etat des lieux en Seine et Marne
(année 2014 - chiffres arrondis)
4.500 demandes et 4.200 dossiers recevables
En cinq ans on est passé de 3.800 dossiers recevables à 4.200 soit une progression de près de 12 % sans pour autant qu’il y ait une progression annuelle constante
Le non-respect des mesures précédentes et l’absence de surendettement demeurent les motifs les plus récurrents de non recevabilité.
14,78% des dossiers comportent des dettes immobilières, soit près de deux fois plus qu’en Île-de-France (7,98%). Les crédits à la consommation sont toujours très présents (89,86%) et une très grande majorité de dossiers fait état de créances liées à des charges courantes (81,56%).
La fréquence de la présence de dettes immobilières dans les dossiers seine-et-marnais porte l’endettement moyen à 53.983 euros (+1,44% par rapport à 2013), contre 44.410 euros en Ile de France (avec une augmentation de 9,82% par rapport à 2013)
LE SURENDETTEMENT : LES DIFFICULTES RENCONTREES PAR LA COMMISSION DE SEINE ET MARNE
Les principales difficultés rencontrées quant à l’application de dispositions de la procédure
Le renforcement du suivi social n’est pas suffisamment encadré pour être efficace. La question est récurrente sur les redépôts après une première décision de procédure de rétablissement personnel. Les débiteurs devraient obligatoirement pouvoir solliciter une mesure d’accompagnement social quant à leur budget avant tout redépôt.
Les principales difficultés rencontrées au regard de la situation des personnes surendettées
Le divorce par consentement mutuel conduit aujourd’hui les débiteurs à liquider la communauté dans un délai d’un an. Pendant ce délai ou au-delà, l’un des conjoints (parfois les deux) saisissent la commission pour obtenir un délai pour vendre leur bien immobilier à l’amiable, situation qui devient récurrente et qui se substitue à un vide juridique en matière de liquidations de communautés matrimoniales.
L’étude Banque de France sur l’année 2013
Les caractéristiques du surendettement
La prédominance de personnes vivant seules (64,4 %)
Célibataires, séparés, divorcés ou veufs (64,4 %) et n’ayant pas de personne à charge (51,4 %). Les classes d’âge des 35 à 54 ans sont les plus représentées (53,4 %), étant précisé que dans 22,4 % des cas, les surendettés sont âgés de plus de 55 ans (et de plus de 65 ans dans 7,7 % des cas).
A préciser : ce n’est pas tout à fait le cas en Seine et Marne où la proportion de couples est un peu plus élevé et un peu plus jeune que dans le reste de l’Ile de France
La présence majoritaire de personnes locataires (77,8 %)
Mais on observe toutefois un léger recul par rapport aux années précédentes, de 0,5 point par rapport à 2012 et de 0,8 point par rapport à 2011. Mais globalement, la part des propriétaires et des propriétaires accédants est en augmentation.
A préciser : rappelons que ce n’est pas tout à fait le cas en Seine et Marne où la proportion de propriétaires est presque trois fois plus élevée (11%) que dans le reste de l’Ile de France
Plus de la moitié des personnes sont sans emploi ou dans l’incapacité de travailler
28,7 % des personnes surendettées sont au chômage, 11,7 % n’ont pas de profession, et 9,7 % se trouvent sans activité (invalidité, congé maladie de longue durée, congé parental). D’un point de vue socioprofessionnel, les employés et les ouvriers sont représentés respectivement à hauteur de 34,8 % et 25,1 % parmi les personnes surendettées.
77,1 % des ménages surendettés ont des ressources mensuelles inférieures ou égales à 2000 euros,
50,5 % (49,2 % en 2012) ont des ressources strictement inférieures au SMIC et 12,2 % d’entre eux (10,9 % en 2012) des ressources inférieures au RSA socle pour deux personnes (5,2 %, des ressources inférieures au RSA socle pour une personne).
Plus d’un dossier sur deux (54,0 %) demeure caractérisé par une absence de capacité de remboursement.
Globalement, 81,8 % des situations de surendettement se caractérisent par des capacités de remboursement modestes ou inexistantes (inférieures à 450 euros).
La structure et le niveau d’endettement des ménages surendettés reflètent les difficultés de trésorerie et de solvabilité auxquels ceux-ci sont confrontés.
Elles se traduisent par un endettement de nature mixte combinant encore très majoritairement des dettes à la consommation et des arriérés de charges courantes. Dans ce cadre, on note toutefois en 2013 une légère augmentation de la part des dossiers comportant un endettement immobilier consécutif à l’acquisition d’un bien ou à la réalisation de travaux (10,8 % en 2013, contre 9,8 % en 2012, 8,7 % en 2011). L’encours moyen de ce type de dettes (103 151 euros en 2013) étant par nature supérieur à celui des autres catégories de dettes, on observe également une augmentation de l’encours moyen global par dossier, de 38 064 euros en 2012 à 38 446 euros en 2013.
Hors dettes liées à des crédits immobiliers, l’endettement moyen par dossier de surendettement s’établit à 27 303 euros en 2013, en diminution par rapport à 2012 (28 254 euros).
L’endettement moyen au titre des crédits à la consommation s’établit à 22 195 euros.
Des évolutions peuvent également être relevées en ce qui concerne la typologie de l’endettement au titre des crédits à la consommation, dont la part dans l’endettement global recule de 53,8 % en 2012 à 50 % en 2013, soit une diminution de 3,8 points en un an (de 8,2 points en deux ans). Dans ce contexte, qui demeure caractérisé par la part prépondérante des crédits renouvelables – présents en 2013 dans plus de 73 % des dossiers –, on note une diminution de la part dans l’endettement global de ce type de crédits (de 34,6 % en 2011 à 31,5 % en 2012, puis 27,9 % en 2013).
L’étude Banque de France sur l’année 2013
Les principales causes du surendettement
Les accidents de la vie
L’impact de chocs externes liés à des accidents de la vie (perte d’emploi du surendetté ou de son conjoint, divorce ou décès du conjoint, maladie ou accident du surendetté ou d’une personne de son entourage) Dans un contexte caractérisé par ailleurs par le caractère souvent contraint du budget des ménages surendettés, de tels évènements imprévisibles contribuent à précipiter la dégradation de situations initiales fragiles.
Les facteurs comportementaux
Il ne faut pas occulter la prise en compte des facteurs comportementaux dans la compréhension des phénomènes de surendettement. Ainsi, notamment, l’importance de l’éducation budgétaire et des comportements de gestion des ressources et dépenses du ménage qui en découlent.
L’isolement social
Enfin, parmi les enseignements liés à l’impact des comportements dans la dynamique des parcours menant au surendettement, sans doute convient-il de ne pas écarter le caractère amplificateur du repli sur soi et des risques d’isolement des personnes rencontrant de fortes difficultés financières.
L’étude Banque de France sur l’année 2013
Les pistes de prévention
Développer l’éducation budgétaire
Une implication plus marquée dans la gestion des budgets, associée à un usage mieux maîtrisé du crédit, se détache dans les parcours observés comme étant un facteur de réduction du risque de surendettement, la promotion de l’éducation budgétaire constitue une action structurante de nature à agir dans le long terme sur la prévention des phénomènes de surendettement. Il s’agit ainsi, dans ce domaine, de développer l’éducation budgétaire en général, et notamment à l’école, ainsi qu’à destination des publics fragiles et de leurs accompagnants (travailleurs sociaux…).
Un traitement plus précoce des situations difficiles
Outre les actions qui seront engagées notamment dans le cadre de la Charte d’inclusion bancaire et de prévention du surendettement, il apparaît souhaitable de promouvoir la mise en oeuvre de dispositifs opérationnels favorisant un traitement plus précoce des situations difficiles et de renforcer l’information et le conseil à destination des ménages dont la situation budgétaire se dégrade.
Des Points Conseils Budget
De telles actions fondées sur une large coordination des acteurs concernés impliquant le développement de partenariats entre les acteurs publics, les différents types de créanciers impliqués dans les situations de surendettement, ainsi que les acteurs de la sphère sociale et associative, pourraient être entreprises dans le cadre des Points Conseils Budget prévus dans le cadre du plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale.
Un tel dispositif permettrait, en effet, de favoriser la mise en place précoce d’actions de rééquilibrage budgétaire, de rechercher une meilleure maîtrise des dépenses liées aux charges courantes et de tenter de réduire l’effet d’évènements externes, comme la perte d’emploi ou le divorce, de nature à dégrader très fortement des situations budgétaires fragiles.
Des actions de communication
La mise en oeuvre de tels dispositifs impliquerait d’être accompagnée d’actions de communication de nature à bien les faire connaître des publics concernés, de manière générale et plus spécifiquement à des moments clés pour anticiper l’impact d’accidents de la vie comme le chômage ou le divorce (par l’intermédiaire dans ce cadre d’institutions comme Pôle emploi ou les tribunaux aux affaires familiales). De telles actions contribueraient ainsi à lutter contre la tendance à l’isolement et au repli sur soi qui contribue à retarder la prise en charge de ces difficultés.
Le microcrédit
Enfin, sans constituer une réponse préventive large à la survenance de situations de surendettement, le microcrédit semble pouvoir, compte tenu en particulier de l’accompagnement budgétaire qui le caractérise, constituer un outil de nature à éviter l’évolution de certaines situations financières difficiles vers le surendettement.
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