Il ne faut pas confondre les projets d'action solidaire et les opérations marketing.
Ce qui s'est passé à Orléans et que dénonce notre ami Nabum est inqualifiable !
Pour oser, ils osent !
Pas de Relais pour cette imposture.
Je viens de me faire gruger et je suis encore sous le coup de la plus violente colère qui soit. J'ai sans doute manqué de vigilance, j'ai fait preuve d'une naïveté crasse, j'ai voulu jouer les bons esprits en manquant singulièrement de lucidité. Une belle annonce, pleine de bons sentiments et de belles intentions m'a poussé à me faire prendre au piège de la récupération la plus honteuse.
Nous vous proposons de participer à une action « repas partagé » à Orléans, le vendredi 15 mai à 12h30 devant la mairie d'Orléans. Le but est de donner une image accueillante de notre cité et de montrer que les Orléanais ont le sens du partage. Ce message universel doit parler au plus grand nombre et faire changer la décision du maire de baisser la subvention de l'association « Le Relais Orléanais » ... Cette action consistera à nous mettre dans l'espace public et à y partager un repas assis avec qui le voudra, tout en laissant une place au pauvre, à l'indigent, au voyageur, à ceux que le maire aimerait bien voir repartir loin d'Orléans. »
C'est du moins ce que j'avais cru lire car rien n'est pire que les illusions quand on est bourré de bons sentiments. À bien y regarder, après avoir été échaudé, le Relais de l'Orléanais, cette belle structure caritative en mal de subventions cette année, n'avait pas été explicitement évoqué. L'implicite est redoutablement manié par ceux qui furent à l'origine de cette imposture.
J'arrivai devant la mairie avec une beurrée de ma confection. Le plat régional me semblait parfaitement indiqué aux circonstances supposées. Du fromage blanc salé et des herbes aromatiques : le mets idéal pour les pauvres tels que les imagine notre bon président. Les « sans-dents » n'auraient eu aucune peine à déguster ce plat riche en calories et moi, j'aurais pu servir un petit couplet ironique sur ce choix assez curieux.
Je me suis cassé les dents ! De nécessiteux, il n'y en avait aucun autour de cette belle tablée bourgeoise et militante et je peux comprendre leur absence quand on les traite d'indigents. Le parti au pouvoir était à l'origine de cette opération qui n'avait d'autre but que de faire venir quelques gugusses de mon espèce afin de les prendre dans les rets de la manipulation et accessoirement des caméras, appareils photographiques et micros appelés en renfort pour chanter la gloire et l'énergie du joyeux organisateur : un jeune loup qui prétend avoir la banane ; un slogan simpliste réservé à ceux qui font de la politique comme ils pratiqueraient la promotion commerciale !
J'enrageais de m'être ainsi fait avoir quand un journaliste vint tendre un micro sous mon nez. Il représentait la radio locale qui voit la vie en bleue, radio qui, inutile de vous le rappeler, s'était refusée à passer le disque de mon petit groupe. Je l'envoyai balader : mon opinion ne devant pas intéresser un diffuseur qui méprise mes textes. Ça, au moins, c'était fait !
Je constatai que les bourgeois socialisants dégustaient avec amusement mon plat si exotique pour eux . Ils y prirent tellement plaisir que je ne récupérai pas dans l'aventure deux petites cuillères en argent que j'avais apportées. Je suis heureux de contribuer, modestement il est vrai, au renflouement des caisses de ce parti, bien mises à mal par les récentes catastrophes électorales.
Je restai debout, à distance de cette table de l'indignité en compagnie d'autres pigeons de mon espèce. Nulle envie de partage dans cette manifestation de l'entre-soi. Nulle place non plus pour les véritables gens de la rue, ceux que croisent véritablement mes amis des maraudeurs du jeudi. L'organisateur et ses amis ont beau se prétendre « tous SDF », leur revendication tombe à plat de manière indécente.
Si je ne peux remettre en doute leur supposée sincérité, ils oublient bien vite la lourde responsabilité du clan dont ils défendent les couleurs. Ce n'est pas parce que la ville n'est pas dirigée par leur cher parti qu'ils peuvent s'exonérer des trahisons récurrentes d'une sensibilité qui ne se soucie des plus humbles que lorsqu'elle va à la pêche aux voix. J'en étouffai de colère tandis que la honte n'étouffait pas ces gens qui sont disposés à toutes les contorsions idéologiques quand il s'agit de dénoncer leur voisin sans regarder leur parrain.
L'homme à la banane pérorait devait la caméra, faisant en sorte de mettre en arrière-plan le plus de personnes piégées par sa combine douteuse. Je jouais à cache-cache avec l'objectif, attendant un temps raisonnable avant de récupérer ma beurrée sans me montrer discourtois. L'envie était grande pourtant de hurler mon courroux à la face de ces gens si satisfaits d'eux-même. L'aventure m'avait coupé l'appétit et la dignité m'interdisait de manger la moindre chose venant de cette opération « marketing » (j'use exceptionnellement du langage qui est le leur).
Je rentrai, la gorge nouée et marri de m'être ainsi laissé berner par ce parti passé maître, il faut lui reconnaître ce talent, dans l'enfumage et le roulage dans la farine. J'exprimai sur les réseaux sociaux ma colère et l'on me répondit fort aimablement par des formules alambiquées, des propos dignes du catéchisme social qui est enseigné dans les officines à menteurs. La langue de bois me met hors de moi ; incapable de rivaliser dans cet art pompeux de ne rien dire, je décidai de déverser ma bile par ce billet parfaitement atrabilaire !
Bananement leur.
NABUM