Prenant pour prétexte l’arrivée de quelques milliers de migrants (20 000 Tunisiens et 8 000 Libyens) sur le Continent Européen, le Président de la République rencontre aujourd’hui le Président du Conseil Italien pour remettre en cause les accords de Schengen. Ces accords, rappelons le, permettent la libre circulation dans l’Union Européenne.
Rappelons aussi que ces accords permettent la disparition des frontières intérieures et qu’ils sont un acte essentiel de la construction européenne, comme l’ont été l’Euro ou le programme ERASMUS qui ont permis à des dizaines de millions de personnes d’aller et venir librement sans passeport et sans visa. Quoique par ailleurs on puisse reprocher à l’Europe, et les griefs en matière économique ne manquent pas, il faut lui reconnaître qu’elle a permis des avancées substantielles en matière de liberté. L’espace de Shengen constitue un progrès et une avancée démocratique certaine auquel il convient de ne pas toucher à moins que l’on appartienne à ces nostalgiques nationalistes toujours prêts à récupérer l’ancienne souveraineté des Etats-Nations.
Serions-nous dans les clauses qui permettent de limiter et de réintroduire exceptionnellement des contrôles aux frontières? Y a-t-il « menace grave pour l’ordre public ou la sécurité intérieure » ? Seule cette clause permettrait de le faire et pour 30 jours seulement, renouvelables. Nous ne sommes quand même pas, et c’est heureux, dans la situation connue en 1995 où la France venait de connaître une vague d’attentats terroristes et qu’elle maintenait les contrôles aux frontières !
A quoi tiennent les convictions ! Rendre responsable l’étranger de la situation économique c’est ce que fait aujourd’hui notre Président de la République. C’est vrai que nous sommes à un an des élections. Ne pas laisser au F.N. cet effet d’annonce et tout faire porter à l’immigration, l’insécurité et l’identité nationale est bien plus facile et plus payant que de convaincre l’opinion publique de ne pas oublier l’histoire. De ne pas oublier les engagements que nous avons pris notamment dans la Convention de Genève relative au droit d’asile.
En outre, les immigrés coûtent t’ils autant qu’on le dit et sont ils aussi nombreux qu’on veut bien nous le faire croire ?
Selon des sources bien informées, (c’est ce que l’on dit en la circonstance), la France compte 5 millions d’immigrés actuellement. Dans les années 1920 les entrées étaient de 300 000 immigrés par an. Elles étaient 150 000 à 200 000 l’an dernier. Par ailleurs 100 000 individus quittent chaque année l’Hexagone. Il reste donc 100 000 personnes par an qu’il convient d’accueillir.
Que peut-on dire de ce chiffre comparé à celui des autres pays ? Qu’il est bien modeste si l’on examine la Norvège, l’Espagne ou l’Italie qui ont une immigration deux fois supérieure à la nôtre. Comment expliquer comme le dit notre Ministre de l’Intérieur que « les Français ne se sentent plus chez eux » ? Sans doute un effet de l’instrumentalisation qu’en font ces apôtres des Droits de l’Homme et aussi peut être pour en expliquer la répercussion « le fait que ces personnes résident dans des zones sensibles où le taux de pauvreté est près de trois fois plus élevé que sur l’ensemble du territoire ». C’est en tout cas ce que pense le Président du Haut Conseil à l’Intégration.
Deuxième canard auquel il faut couper les ailes : les immigrés coûtent cher à la France. Selon la façon qu’il y a de le calculer les immigrés semblent payer moins de taxes et recevoir plus de transferts que les natifs de France. Cependant quand on examine la différence de structure par âge de la population immigrée, regroupée dans les classes d’âge actives, on constate une contribution nette moyenne des immigrés au Budget de l’Etat supérieure à celles des natifs français. En fait les immigrés sont proportionnellement peu représentés dans les plus de 60 ans, catégorie qui est la première bénéficiaire de la protection sociale, leur poids dans les comptes sociaux reste faible et ce malgré un taux de chômage élevé. C’est une étude de « Migration et protection sociale » qui fait cette démonstration. Elle ajoute même que « sur un plan budgétaire, la présence d’immigrés est même positive du fait de l’apport régulier d’individus actifs ». En conclusion, l’étude affirme que « l’immigration réduit le fardeau fiscal du vieillissement démographique ». Elle ajoute aussi que « sans cet apport, dans l’hypothèse d’une immigration zéro, le besoin de financement de la protection sociale à l’horizon du siècle passerait de 3% à 5% du PIB ».
Autre idée reçue et tout aussi stupide : une diminution de l’immigration suffirait à faire baisser le chômage !
Il s’agit d’une idée ancienne reprise par notre Ministre du travail récemment, faire baisser le taux de chômage en ralentissant les autorisations de séjour des immigrés. Il s’est même fixé comme objectif de former mieux les français pour les orienter vers les métiers que l’on dit « en tension » : restauration, bâtiment ou travaux publics par exemple. Ce sont en effet des emplois qui sont occupés par des immigrés mais comme l’affirme le démographe P.SIMON « c’est une illusion de penser de mettre face à face le nombre d’immigrés et le nombre de chômeurs en pensant qu’ils sont substituables ». Au contraire affirme ce dernier c’est une politique qui « comporte de vrais risques, soit d’augmenter encore certaines tensions sur le marché de l’emploi, soit de voir croître le travail au noir, et donc l’immigration illégale ». Mais cela n’est pas pour nous rassurer car ce qui est recherché par nos gouvernants ce n’est pas de donner du travail aux chômeurs mais de tenter de ramener à eux une catégorie de français et les voix qu’elle représente, prêts à tout entendre pourvu que cela concerne les boucs émissaires que sont devenus les étrangers.
Alors, si le flux d’immigrés est loin de l’envahissement qu’on lui prête, si leur contribution au financement de la protection sociale est positive, si le taux de chômage ne baisse pas quand on diminue les autorisations de travail pour les étrangers, que reste t-il ? Rien bien sûr mais par contre un renforcement des votes protestataires et bien du bonheur pour le F.N ! Le risque est d’autant plus fort, comme le dit ce sociologue que « le plafond d’acceptabilité du vote F.N. est devenu poreux, pas seulement parce que les gens ont beaucoup de mal à citer des propos intolérables de Mme Le Pen, mais aussi parce qu’à partir du moment où celle-ci s’est installée dans le zone des 20% des voix, elle acquiert une légitimité ».Elle devient une candidate comme les autres et de plus les gens disent : « elle, au moins, contrairement à tous les autres on ne l’a pas essayée » !
Hassna Jamjama Secrétaire Générale Adjointe du CNAFAL