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17 octobre 2011 1 17 /10 /octobre /2011 06:51

On pourrait croire qu’un linguiste est un personnage un peu myope à force de s’user les yeux à décortiquer les textes dans sa tour d’ivoire. Alain Bentolila (1) a montré tout le contraire, dimanche 9 octobre 2011, au « Salon littéraire » de Vaux-le-Pénil, pendant la conférence de deux heures qu’il y a donnée sur le thème « Qu’est-ce que lire ? » (2).

 

 

L’enjeu sociétal d’une langue commune

 

D’entrée, il a fait prendre la mesure de l’enjeu d’une langue commune pour la survie de toute société. Si ses membres ne la partagent pas et ne comprennent ni les mots ni « la syntaxe qui les met en scène », alors c’est l’incompréhension et le repli communautariste qui en résultent. Le mythe biblique de la Tour de Babel devrait mettre en garde : une société qui ne partage pas une langue commune court à sa destruction.

 

La langue est, d’autre part, la condition première de toute science pour déchiffrer le monde. A. Bentolila a pris l’exemple de Galilée qui a été fort bien compris du pouvoir ecclésiastique quand il a affirmé en 1633 que « la terre tournait autour du soleil » et non l’inverse. La langue fixe une place au sujet et au complément qui n’est pas négociable : chacun doit apprendre à s’y conformer sous peine de confusion. Et la preuve que Galilée a bien été compris de ses juges qui soutenaient le contraire, c’est qu’il a été assigné à résidence pour le restant de ses jours à Arcetri, dans la banlieue de Florence.

 

Langue et science ne peuvent s’exprimer enfin que dans une société libérée du carcan de tout dogme. Par l’échange que seule rend possible une langue commune, les hommes s’autorisent à aller voir derrière les apparences. C’est sans doute la meilleure définition de la Laïcité qui seule permet de penser ensemble et de questionner le monde au-delà des croyances invérifiables.

 

« 35 à 40 ans de mensonges ! »

 

L’enjeu d’une langue commune ainsi perçu, Alain Bentolila s’en est pris alors à ce qu’il a appelé « 35 à 40 ans de mensonges » qui ont conduit la société française à une situation bien proche de celle de la Tour de Babel où ses membres ne peuvent plus se comprendre et se replient sur divers communautarismes.

 

1- La négation d’un dictionnaire mental originel

Un premier mensonge a été de nier que l’apprentissage de la lecture dépend du stock initial de mots qu’un enfant de 6 ans détient dans « son dictionnaire mental » et qui lui vient de son milieu culturel. Il peut varier de 1 à 7, selon A. Bentolila. Qu’on songe à ce qu’il peut en être quand une masse d’enfants apprennent à l’école une langue qui n’est pas leur langue maternelle !

 

Une méthode pernicieuse venue d’Amérique a prétendu laisser tomber le déchiffrage de la relation entre lettres et sons au profit de la simple photographie de « la silhouette » des mots à mémoriser.

- Quand ces mots correspondent à des images du dictionnaire mental dont dispose déjà l’enfant grâce à son milieu culturel, il les assimile très bien.

- Mais quand ils ne renvoient à rien, l’enfant ne peut apprendre à lire : il est perdu et renonce. En revanche, la méthode syllabique lui donne une assurance, en lui permettant d’avancer pas à pas : il apprend à déchiffrer, mémorise, et reprend confiance.

Les deux méthodes ne doivent donc pas s’exclure : leur pertinence dépend du contexte culturel de l’enfant.

 

2- la négation du labeur qui précède le plaisir

Un second mensonge a été de faire croire qu’il fallait d’abord rechercher le plaisir de lire, quand, dit A. Bentolila, c’est « le labeur (qui) précède le plaisir de savoir lire », selon le titre d’un de ses récents articles. L’apprentissage du code - à quoi bon le cacher ? - nécessite un rude effort : seules, la relation entre lettres et sons, d’une part et, d’autre part, leur mise en ordre selon une syntaxe invariable ouvrent sur le sens. Nul ne peut s’opposer à ce code sous peine de ne rien comprendre et ne pas être compris.

 

Deux perversions qui ont été contractées

 

À ces mensonges se sont ajoutées des perversions dont on a pas su se garder.

 

1- Les deux attitudes préalables à toute compréhension

Car l’acte de comprendre exige deux attitudes qui doivent s’équilibrer, comme « les deux plateaux d’une balance », selon A. Bentolila.

- L’une est « le respect et l’obéissance dus à l’auteur » qu’on a fini par oublier. Or, pourtant, n’est-il pas important de savoir qu’un auteur est celui qui a pris la peine d’écrire pour transmettre à ses lecteurs contemporains ou futurs avec précision ce qu’il souhaitait transmettre de son expérience ? Cela ne mérite-t-il pas qu’on lui en doive reconnaissance en commençant par faire effort pour saisir au plus juste ce qu’il a écrit ?

- La seconde attitude est celle qui découle de la singularité de chaque lecteur avec sa propre histoire et son expérience originale, c’est-à-dire son cadre de référence personnel à travers le quel est filtrée sa représentation de la réalité.

 

2- Les deux perversions qui peuvent en découler

Seulement ces deux attitudes complémentaires peuvent ouvrir sur deux perversions.

- La soumission aveugle à l’autorité

L’une est une soumission aveugle à l’autorité de l’auteur qu’on ne se permet pas de critiquer. Le meilleur exemple est la lecture religieuse des textes sacrés qui s’interdit de contester « la parole de Dieu » ou celle des prophètes. Ne reste alors que la psalmodie, la répétition et l’agenouillement devant l’autorité qui ne se trompe pas et ne peut tromper.

 

Or Dieu sait si une autorité, puisqu’elle est humaine, peut non seulement se tromper mais délibérément tromper. Il est singulier que la lecture prétendument laïque des textes ait imité ce mode de lecture religieux, la parole des Classiques n’ayant jamais fait que remplacer celle des Prophètes.

 

- L’interprétation personnelle fantaisiste

L’autre perversion est au contraire l’interprétation toute personnelle que le lecteur s’autorise à donner du texte de l’auteur. Il « picore quelques mots » ici et là et perd le sens du texte que l’auteur a tenu à transmettre. C’est le problème des illettrés aujourd’hui qui ne retiennent que quelques mots et construisent autour une histoire fantaisiste sans aucun rapport avec les informations transmises.

 

A. Bentolila a cité une expérience de huit mois menée avec ses assistants sur un millier d’illettrés, détectés lors des Journées Défense et Citoyenneté (JDC) qui ont remplacé les Journées d'Appel de Préparation à la Défense. La plupart étaient incapables de restituer la brève histoire qui leur était lue : ils inventaient les anecdotes les plus loufoques à partir de quelques mots saisis ici ou là. Et quand l’histoire originelle leur était relue, ils prétendaient que l’histoire avait été changée !

 

Lecture et écriture, conditions de l’autonomie du citoyen

 

Enfin, A. Bentolila a insisté sur la nécessité d’inscrire l’apprentissage de la lecture dans un projet que le lecteur doit ressentir comme vital pour lui. On ne consent pas un effort aussi gigantesque qu’est l’assimilation du code de lecture et d’écriture, si on n’est pas certain d’en tirer un bénéfice à la mesure du sacrifice consenti. Or, point de salut aujourd’hui sans la maîtrise de la lecture et de l’écriture, sous peine de rester dépendants des autres et de devoir renoncer à toute autonomie !

 

 

Voilà une approche de « l’acte de lire » qui est bien éloigné de ce qu’en a fait l’École. Rien d’étonnant à ce que tant d’enfants n’accèdent pas à ce savoir rudimentaire qui conditionne pourtant la qualité de leur vie future. Ce qui étonne, c’est l’obstination dans l’erreur dont fait preuve l’Éducation nationale et ses prétendus experts, en dépit d’échecs cuisants et répétés. « Errare humanum est, perseverare diabolicum ». Même si A. Bentolila ne s’est pas aventuré sur le terrain, on est en droit de se demander si cette obstination dans l’erreur n’entre pas dans un plan de démolition de l’École perçue désormais comme dangereuse, après avoir été jugée utile et nécessaire à la première révolution industrielle : n’est-il pas suffisant aujourd’hui qu’une minorité sache déchiffrer sa langue et le monde, tandis qu’une majorité d’incultes ne se verraient offrir pour toute perspective que d’entrer au service des clientèles de la minorité pour survivre ? Paul Villach

 

(1) Alain Bentolila est professeur à l’Université Paris V.

(2) Le 2ème « Salon littéraire » de Vaux-le-Pénil était organisé par l’Association de la Ferme des Jeux, Familles Laïques de Vaux-le-Pénil, la bibliothèque municipale de l’Arcature et Ciclop 77 ateliers d’écriture.

Pour toutes informations : assofermedesjeux@gmail.com

 

 

 

 

 

Actualités-Octobre 2011

 

 

 

Un jeune Turc, en France depuis quelques années, se fait arrêter en Région Parisienne au cours d’un contrôle d’identité. Il a sur lui son seul passeport avec un visa de séjour dépassé. Il est conduit aussitôt au Centre de rétention du Mesnil-Amelot. Or il est marié et père d’un enfant en France. Ses recours au tribunal administratif ayant été rejetés, il est renvoyé dans son pays. Une vie qui bascule. Or, tout homme a le droit à une vie familiale, selon la convention des droits de l’homme. C’est un exemple de l’arbitraire d’une arrestation pour honorer la politique du chiffre de 30.000 expulsions.

 

Le Centre de rétention de Nîmes a connu une série de drames ces dernières semaines : enfermement d’un enfant polyhandicapé, suicide et tentatives de suicides, et même enfermement d’étrangers en situation régulière !

Un jeune Mauritanien cherche asile en France pour fuir un climat de violence familiale. Après plusieurs années de scolarité, il parle le français correctement, ce qui lui laisse entrevoir un futur emploi. Ses démarches en préfecture de Seine-et-Marne aboutissent à un refus de régularisation et un ordre de quitter le territoire français. Arrêté peu après sur le chemin de l’école, il est emmené au CRA du Mesnil-Amelot.

 

Les mises en rétention se multiplient, selon des procédés qui souvent ne respectent ni les personnes ni parfois même les lois nationales ou européennes. Parfois les retenus n’ont pas pu récupérer leurs dossiers ni connaître leurs droits et justice ne peut leur être rendue.

 

Le Cercle de Silence de Melun, comme les 3 autres Cercles de Seine-et-Marne (Meaux, Chelles, Bussy St Georges) dénonce l’arbitraire des arrestations « au faciès » et la situation de non droit consistant à enfermer des personnes qui n’ont commis aucun délit …

 

 

 

Le CERCLE DE SILENCE de Melun.

S’y retrouvent, à titre personnel, des membres de diverses organisations : Réseau d’éducation sans frontière, Action des chrétiens contre la torture, Ligue des droits de l’homme, Familles Laïques de Vaux le Pénil, CDAFAL77, MRAP, CCFD, Entraide protestante, Cimade, Partenia 77… et aussi des hommes et de femmes n’appartenant à aucune organisation.

Si vous êtes sensibles à ces situations,

Venez nous rejoindre

Chaque dernier mardi du mois, de 18h00 à 19h00,

Place Saint Jean à Melun

Pour plus d’informations : Dominique Thibaud, 34, rue A.Sommier 77000 Maincy dominique.thibaud2@wanadoo.fr

 

 

 

 

 

 

 

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  • C'est une association familiale laïque qui lie le combat social et le combat laïque
Son projet associatif s'inscrit dans le PAL ( prestation d'animation locale) et le PAL Vaux le Pénil est adhérent à la Fédération des Centres Sociaux 77
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AGENDA

 

 

  -oOo-

 

PROCHAINES PERMANENCES "INFO DETTE"

  à VAUX LE PÉNIL

 

 Vendredi 11 octobre 2024

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sur rendez-vous au 

09 75 38 81 13 

 

    Affiche surrendetement RVB    

 

Sinon, toute l'année,  il y a des permanences hebdomadaires à 

 Melun, Dammarie, Le Mée, St Fargeau-Ponthierry, Moissy Cramayel.....

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