Pour bien commencer cette semaine: voici un texte de notre ami NABUM
Hypertrophie pileuse de la face interne du carpe droit.
J’ai un poil dans la main ; la chose est indubitable même si elle risque de vous défriser. Je ne vaux pas tripette, je passe mon temps à chercher des poils aux œufs, à écrire des textes tirés par les cheveux, à chercher des poux dans la tête des braves gens quand ils ont une petite parcelle de pouvoir. J’eusse pu être photographe mais c’est dans la tête que j’ai toujours eu des pellicules, ce qui, avouez-le, n’est pas simple pour demeurer objectif.
Ainsi donc, je tricote sur mon clavier, mêlant et entremêlant ce poil qui est devenu ma marque de gloire, mon titre de noblesse ou plus sûrement d'indélicatesse. Et si mes mots brûlent, s’ils sont parfois incandescents et indécents, c’est que j’ai la main chaude de ce poêle qui me fait mijoter à petits feux mes victimes expiatoires. Je joue à pile ou farce mon système pileux.
La paresse ! La vilaine qualité que voilà … Il faudrait en avoir honte : comme si passer son temps à admirer les beautés de ce monde, à les chanter était un crime passible de la peine de mort ou bien du rasage en place publique. Les temps sont revenus où le système capillaire va provoquer des trous d’air tout comme son homologue pileux fleure bon des crises d’urticaire et d’islamophobie.
Les implants qui ne prennent pas ou les cheveux qui poussent trop, il n’est pas aisé de satisfaire les tenants de la norme et de la morale échevelées. Les juges vont remettre des perruques pour condamner au shampoing les têtes hirsutes et les résistants de la face glabre. Les moralistes sont rasants, les politiciens aiment à couper court les revendications des libertaires.
Le cheveu teint, rasé, en épi, en vagues ou en mèches est un signe à combattre. L’armée a montré l’exemple : elle qui ne voulait voir qu’une seule tête à la chevelure aussi rase que les idées de ceux qui exigeaient cette mode. Alors, pensez si mon poil dans la main vient provoquer remous et consternation parmi les bien-pensants.
Pour aggraver mon cas, j’ai un cheveu sur la langue. Je zozote et pousse la farce à me gausser des rigides de la sentence, des obséquieux du compliment, des chantres de la prière ou du discours politique creux. J’aime ce qui ondule, fait des vagues. Je déteste les raies publiques ou bien à droite. Les cheveux comme les poils ont besoin de liberté et de fantaisie.
Mon poil dans la main me protège de l’effort inutile, de l’activité débridée, de l’envie de travailler plus pour éventuellement amasser quelques sous. Je me contente de ce que j’ai. Je ne vais pas tirer les cheveux de mon voisin pour lui disputer son bien. J’ai le sens de la dignité : il s’exprime dans cette particularité pileuse qui me vaut le pilori.
Nous filons un mauvais coton, les merlans, les barbiers, les arracheurs de touffe, les coupeurs de cheveux en quatre sont aux portes du pouvoir. Le rasoir, la tondeuse, le coupe-choux, la paire de ciseaux en main, ils vont nous tondre la laine sur le dos et nous caresser dans le sens du poil avant de nous ratiboiser complètement.
Je veux garder mon poil carpien. C’est ma liberté, ma fierté, ma gloire. Sus à tout ce qui est norme, imposition, uniforme, code moral. On nous remet en branle les valeurs tirées par l’écheveau des textes sacrés. On passe à la brillantine les crânes et les esprits. Quel étrange retour en arrière qu’il convient de ne pas nommer réaction pour ne pas contrarier les gardiens du temps et de l'évêché !
J’ai un poil dans la main et vous n’allez pas me mettre en croix pour ce petit détail. J’ai fait le choix de l'oisiveté et de l’hédonisme. Vous voulez des citoyens actifs jusqu’à leur mort tandis que vous vous la coulez douce derrière vos honteux privilèges. Il se peut que des têtes tombent ; on achève bien les cheveux. Prenez garde à la mise au pli !
Pileusement vôtre.