« Accès aux droits, accès à la langue française »
Colloque Famille Laïque du 23 Novembre 2013
Sens du débat
L’accès à la langue française pour les personnes étrangères accueillies sur le territoire fait partie des droits fondamentaux dans la mesure où la connaissance des droits suppose la compréhension non seulement de la langue mais aussi à minima de la culture de la France comme pays d’accueil.
Accéder à la langue française, ce n’est pas seulement accéder aux droits fondamentaux de la République c’est aussi accéder à ses obligations et à ses valeurs qui garantissent la cohésion sociale.
A une époque où l’isolement social est un des principaux fléaux de la société, le non accès à la langue renforce cet isolement, les risques d’enfermement et de repli communautariste.
1/ Le cadre réglementaire
Rappelons rapidement quel est le cadre réglementaire :
Depuis le 1er janvier 2012, pour acquérir la nationalité française par naturalisation, réintégration ou déclaration à raison du mariage, il faut justifier de sa connaissance du français.
Le niveau requis est le niveau B1 du cadre européen commun de référence pour les langues. Il correspond au niveau d'un élève en fin de scolarité obligatoire (16 ans) apte à écouter, prendre part à une conversation et à s'exprimer oralement en continu.
Il s'agit de maîtriser le langage nécessaire à la vie quotidienne et aux situations de la vie courante.
Comment prouver ce niveau ?
Soit par la présentation d'un diplôme ou d'une attestation prouvant le niveau de français
un diplôme égal ou supérieur au niveau requis,
une attestation délivrée soit par un organisme reconnu par l'État comme apte à assurer une formation "Français langue d'intégration" (FLI), soit à l'issue d'un test linguistique certifié ou reconnu au niveau international.
Soit par un entretien individuel
Pour les personnes :
titulaires d'un diplôme délivré dans un pays francophone à l'issue d'études suivies en français,
souffrant d'un handicap ou d'un état de santé déficient chronique,
âgées de plus de 60 ans
Dans ce cas, ou si le diplôme acquis ne correspond pas au niveau B1, la connaissance du français est évaluée au cours d'un simple entretien individuel avec un agent de préfecture.
Adhésion aux valeurs de la République
Le demandeur doit également justifier de son assimilation à la communauté française, notamment par l'adhésion aux principes et valeurs essentiels de la République et par une connaissance suffisante de l'histoire, de la culture et de la société françaises correspondant au niveau d'un élève à la fin de l'école primaire.
L'assimilation est vérifiée lors d'un entretien individuel avec un agent de la préfecture ou du consulat.
À l'issue du contrôle de son assimilation, l'intéressé signe la charte des droits et devoirs du citoyen français.
2/ Qui est concernés ?
Sauf exception ce sont les personnes étrangères majeures et qui résident de façon régulière en France depuis 5 ans qui peuvent demander la nationalité française.
Rappelons qu’une personne étrangère est une personne qui réside légalement en France sans avoir la nationalité française. On peut être étranger sans être immigré (cas des personnes nées en France).
Rappelons également qu’une personne immigrée est simplement une personne née étrangère à l’étranger, même si depuis elle a obtenu la nationalité française. On peut donc être immigré sans être étranger.
Cette subtilité entre étranger et immigré ainsi que la confusion faite souvent entre ces deux termes montre bien que la connaissance de la langue n’est pas chose facile, même pour les francophones avertis.
L’Office Français pour l’Immigration et l’Intégration (qui a une délégation à Melun) a pour mission d’accueillir le primo-arrivant et d’organiser son Parcours d’intégration. Celui-ci débute dès le pays d’origine et se prolonge sur le territoire national avec la signature du contrat d’accueil et d’intégration (CAI).
A l’étranger, dans les pays qui à cet effet ont signé une convention avec l’OFII, préalablement à la délivrance du visa par le Consulat, l’OFII soumet le bénéficiaire du regroupement familial ou le conjoint de français à un test d’évaluation de ses connaissances du français et des valeurs de la République.
Si son niveau est jugé insuffisant, l’OFII lui propose une formation dans les deux mois qui suivent cette évaluation.
Dans le cas des demandeurs d’asile, la situation est évaluée via un autre organisme qui est l’Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides c’est-à-dire l’OFPRA
3/ Les données concernant les besoins d’accès à la langue française
Au recensement de 2009 le territoire de la Communauté d’Agglomération de Melun Val de Seine représentait 107.795 habitants.
94.674 étaient de nationalité française et 13.121 étaient étrangers. On est dans un taux de 12 % de population étrangère, ce qui correspond à la moyenne de l’Ile de France mais est nettement supérieur à la moyenne départementale (8%).
Toutefois le fait d’avoir la nationalité française n’implique pas nécessairement une bonne maîtrise de la langue française et inversement le fait d’être étranger ne signifie pas nécessairement que l’on ne maîtrise pas le français. Identifier la réalité des besoins est bien évidemment plus complexe.
La majorité des personnes étrangères est issue de pays francophones (environ 60%) mais cela ne signifie pas pour autant qu’il y a une connaissance suffisante du français pour ces personnes
4/ Les dispositifs face aux besoins d’accès à la langue française
Il y a trois dispositifs : d’abord les Ateliers Socio Linguistiques, ensuite le dispositif «ouvrir l'école aux parents pour réussir l'intégration» et enfin l'apprentissage du français en milieu professionnel
- Concernant l'apprentissage du français en milieu professionnel
Le parcours d’intégration peut passer par une qualification professionnelle que les migrants peuvent obtenir dans le cadre du salariat ou plus généralement par la formation professionnelle lorsqu’ils sont demandeurs d’emploi. Il ne faut pas hésiter à s’adresser aux organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA) pour connaître les possibilités de formation et de financement de ces formations
- Le dispositif « ouvrir l'école aux parents pour réussir l'intégration » soutient des actions destinées à des parents d'élèves, immigrés ou étrangers hors Union européenne. Dans ce cadre, l'opération propose aux parents volontaires des formations visant trois objectifs simultanés :
- l'acquisition de la langue française (alphabétisation, apprentissage ou perfectionnement) ;
- la présentation des principes, des valeurs et des usages de la société française ;
- une meilleure connaissance de l'institution scolaire, des droits et des devoirs des élèves et de leurs parents, ainsi que des modalités d'exercice de la parentalité pour donner aux parents les moyens d'aider leurs enfants au cours de leur scolarité
Les formations se déroulent dans les écoles, les collèges et les lycées, pendant la semaine, à des horaires permettant d'accueillir le plus grand nombre de parents
- les Ateliers Socio Linguistiques (ASL) sont soutenus par la Direction de l’Accueil, de l’Intégration et de la Citoyenneté (DAIC) qui dépend du Ministère de l’Intérieur et c’est le dispositif le plus important et c’est sur ce dispositif que je vais faire un focus particulier
5/ Les principales ressources locales sur le territoire de la Communauté d’Agglomération de Melun Val de Seine
Nous avons fait une petite enquête sur Melun (et non pas sur la totalité de la CAMVS) pour voir comment est organisée la réponse aux besoins en termes d’accès à la langue française
Cette réponse est organisée autour des 5 centres sociaux de Melun qui proposent des Ateliers Socio-Linguistiques (ASL) appelé Ateliers de Savoirs Sociolinguistiques
Ces Ateliers durent 2 heures et sont organisés deux fois par semaine dans chacun des 5 Centres
Les personnes doivent être en situation régulière ou en cours de régularisation et habiter Melun.
Chaque groupe comprend 25 apprenants pour une moyenne de 150 personnes par an. Le public ASL, fréquenté par 90% de femmes, est un public très hétérogène issu de l’immigration ; majoritairement primo arrivants, dits Français Langue Etrangère c’est-à-dire scolarisés dans leur pays d’origine, ou dits Alpha c’est-à-dire non scolarisés dans leur pays d’origine. C’est un public peu autonome dans la vie quotidienne et souhaitant le devenir assez rapidement.
Les ateliers reçoivent principalement des femmes de Turquie (Kurde), du Maghreb, d’Afrique sub-saharienne ou encore des pays de l’Est. Ce sont soit des réfugiées soit elles ont suivies leurs maris (immigration subie). Leur but déclaré est de rester en France pour y vivre.
Un atelier sur deux se fait avec l’aide d’un partenaire extérieur, on peut notamment citer :
Le Réseau Ville Hôpital de Melun, avec des visites de différents Centres de Santé et l’organisation d’ateliers d’éducation à la santé
le Bilan santé gratuit de Dammarie les Lys, où il s’agit de présenter, de comprendre et de remplir le questionnaire préalable
la CAF, notamment pour l’accès aux droits, pour les prestations légales et extra légales
la CPAM, également pour l’accès aux droits, pour le dispositif M’ T Dents, la collaboration avec ADC77 sur la prévention de différents cancers, le bilan de santé gratuit
la Maison Des Solidarités du Conseil Général,
le Point Information Médiation Multi Services (PIMMS) de Melun, notamment pour la compréhension des factures, les éco gestes : comment réduire sa consommation énergétique
la Médiathèque de Melun, ateliers au laboratoire de langues, ateliers d’expression, participation au festival de la médiathèque
l’association Femmes Solidaires,
le Secours Catholique
l’Association Famille Laïque de Vaux le Pénil
la FOCEL : Fédération des Oeuvres Complémentaires de l'Ecole Laïque pour la prise en charge des listes d’attente.
le musée du Louvre, formation des équipes ASL, visite et découverte du musée avec une cinquantaine de personnes
l’Association de Prévention de l’Agglomération de Melun APAM
le Centre d’Information et d’Orientation CIO de Melun qui dépend de l’Education Nationale et qui travaille avec les institutions scolaires locales
Parmi ces institutions on retrouve :
Les collèges Chopin et Capucin avec leur programme ouvrir l’école aux parents afin d’aider les parents à s’investir dans la scolarité de leur enfants ce qui peut être très difficile lorsque l’on ne parle pas la langue française (2 fois 2 heures). Ce dispositif concerne 25 familles en 2013.
L’INFREP : Institut National de Formation et de Recherche sur l'Éducation Permanente qui propose des tests d’évaluation et de la formation.
Le partenariat et sa coordination est donc une composante incontournable de l’action en direction des personnes en demande d’accès à la langue française et ses droits induits.
Les problèmes qui ont été évoqués sont :
la garde des enfants
le nombre de places restreint,
le manque de cours du soir pour les gens qui travaillent,
l’impossibilité d’accueillir des personnes sans papiers
Pour résumer et conclure cette petite enquête de terrain deux aspects sont à retenir :
D’une part la mise en évidence que le non accès à la langue française entraîne de nombreuses conséquences telles que l’isolement social, un repli communautariste, l’absence d’intégration, le non accès aux droits, au travail ou à l’école.
D’autre part le fait que les Ateliers Socio Linguistiques sont fréquentés à 90 % par des femmes et que pour une partie d’entre-elles il y a un véritable enjeu d’émancipation féminine et, indirectement, d’éducation des enfants.